Rapport de la tournée des consultations : ce que nous avons entendu
Aperçu
Le bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est le premier du genre. Notre bureau est particulièrement bien placé pour examiner les allégations d’atteintes aux droits de la personne, offrir des remèdes aux populations touchées et, à terme, inciter les entreprises canadiennes qui œuvrent à l’étranger dans les secteurs du pétrole, du gaz, des mines et du vêtement à mieux respecter les droits de la personne.
En mai 2019, comme point de départ de nos activités, nous avons amorcé un processus de consultation afin d’entendre ce que nos parties prenantes publics, privés et multisectoriels avaient à dire au sujet de notre mandat. Nous avons écouté attentivement leurs attentes, leurs préoccupations, leurs commentaires et leurs conseils afin d’apprendre de nos expériences passées et trouver le moyen le plus efficace de mettre en œuvre notre mandat.
Catégories des parties prenantes
Publics
Cette catégorie comprend les gouvernements, les institutions et organismes gouvernementaux nationaux et internationaux, y compris les gouvernements autochtones.
Privés
Comprend les entreprises canadiennes qui exercent des activités dans les secteurs du vêtement, des mines, du pétrole et du gaz, leurs filiales, entrepreneurs et sous-traitants, ainsi que leurs autres partenaires dans la chaîne d’approvisionnement.
Multisectoriels
Comprend les particuliers, les communautés, les groupes et les organisations de la société civile qui les représentent, y compris les communautés et organisations autochtones.
Tous les parties prenantes consultés reconnaissent la nécessité de respecter les droits de la personne et les normes internationales, notamment les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, qui nous guideront dans la réalisation de cet objectif. Si les parties prenantes s’entendent sur le but à atteindre, ils divergent toutefois davantage sur la manière d’y arriver.
La tournée des consultations est fondamentale pour nous, car elle nous fournit des orientations qui façonnent nos priorités et éclairent notre approche. Bien que les consultations suivent leur cours, le présent rapport fait état de ce que nous avons entendu jusqu’à présent, en soulignant :
- notre processus de consultation;
- qui sont les parties prenantes consultés;
- ce que nous avons entendu;
- ce que nous avons appris;
- en quoi ces consultations façonneront nos activités.
Ce que nous avons entendu – Résumé
Points de vue partagés
- Il est important de respecter les droits de la personne dans le cadre d’une conduite responsable des entreprises.
- Les entreprises canadiennes peuvent et doivent améliorer leurs pratiques pour constater, traiter et réparer les atteintes aux droits de la personne commises dans le cadre de leurs activités.
- Nous pouvons améliorer les pratiques en matière de droits de la personne en encourageant le respect des normes internationales.
- Il est important d’assurer la sécurité des personnes et des communautés et de prévenir les méfaits de manière générale, mais aussi dans le cadre des examens menés par l’OCRE.
- Les relations, la constitution de réseaux et la collaboration sont au cœur des efforts visant à renforcer le respect des droits de la personne dans le cadre d’une conduite responsable des entreprises.
- Il faut clarifier le rôle unique du bureau de l’OCRE, en quoi il se distingue des autres entités.
- Les examens doivent être équitables et impartiaux.
Points de vue divergents
- Pour certains, les mesures volontaires suffisent; pour d’autres, des mesures plus fortes sont nécessaires.
- Certains estiment que le dialogue ou la médiation constitue un moyen efficace pour répondre aux enjeux liés aux droits de la personne; d’autres croient le contraire.
- Il faut trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger les plaignants et les autres acteurs en préservant l’anonymat et la nécessité de protéger les entreprises des torts que pourraient entraîner des plaintes non fondées.
- Pour certains, le mandat et les pouvoirs de l’OCRE ont une portée suffisante; d’autres croient que ce n’est pas le cas.
- Moyens à privilégier pour traiter les cas de manière équitable.
Tournée des consultations : notre processus de consultation
En mai 2019, l’ombudsman canadienne de la responsabilité des entreprises, Sheri Meyerhoffer, a amorcé une discussion approfondie et des activités de renforcement des relations avec une foule des parties prenantes. L’objectif était d’entretenir une conversation ouverte et d’entendre leurs points de vue sur :
- le mandat de l’OCRE, leurs attentes, leurs préoccupations et leurs conseils au sujet du bureau, ainsi que les priorités et le mode de fonctionnement à privilégier;
- les enjeux et les défis que l’OCRE devra connaître avant d’appliquer son mandat dans certains secteurs, régions ou contextes visés;
- la voie à suivre pour renforcer le respect des droits de la personne dans le cadre d’une conduite responsable des entreprises.
Dans le cadre de cette tournée des consultations, nous nous sommes entretenus avec plus de 200 parties prenantes nationaux et internationaux établis au Canada et ailleurs monde, notamment des parties prenantes publics (institutions gouvernementales, fonctionnaires, etc.), des parties prenantes privés (représentants des différentes industries) et des parties prenantes multisectoriels (communautés, organisations de la société civile, organisations autochtones, etc.). On comptait du nombre quatre organisations et experts spécialisés dans les enjeux des femmes et de l’égalité des genres, œuvrant à la fois dans diverses catégories des parties prenantes.
Les parties prenantes que nous avons consultés
Publics – Organismes et organes indépendants – 25
Publics – Représentants élus – 8
Publics – Administrations publiques (au pays) – 41
Publics – Organisations intergouvernementales et étrangères – 24
Multisectoriels – Organisations de la société civile – 34
Multisectoriels – Experts autochtones (au pays) – 4
Multisectoriels – Experts autochtones (ailleurs dans le monde) – 2
Multisectoriels – Groupes multisectoriels – 5
Multisectoriels – Média – 1
Multisectoriels – Milieu universitaire – 27
Privés – Entreprises – 26
Privés – Associations industrielles – 18
Total : 233
Ce que nous avons entendu
Dans l’ensemble, les participants ont reconnu l’importance de respecter les droits de la personne dans le cadre de la conduite responsable des entreprises, et convenu que les entreprises canadiennes peuvent – et doivent – améliorer leurs pratiques pour constater, traiter et réparer les atteintes aux droits de la personne commises dans le cadre leurs activités. Nous avons reçu de nombreux commentaires positifs sur le rôle de l’OCRE dans la promotion de normes internationales tels que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU, les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et les traités internationaux sur les droits de la personne.
Notre mandat
Nous avons reçu de nombreux commentaires utiles sur notre mandat. Les parties prenantes des trois catégories n’étaient pas certains de bien comprendre ni le mandat de l’OCRE, ni ce qui distingue le bureau d’autres organes comme le point de contact national.
Les parties prenantes multisectoriels ont dit craindre qu’à l’heure actuelle, l’OCRE ne dispose pas des pouvoirs dont il a besoin pour remplir efficacement son mandat. Ils sont particulièrement préoccupés par l’absence de pouvoirs suffisants pour exiger des documents et obliger à témoigner lors d’un examen, ainsi que par l’absence d’un cadre législatif dans le mandat de l’OCRE.
Les gouvernements et les organisations autochtones souhaitaient en savoir plus sur la façon dont l’OCRE interprétera son mandat pour protéger les droits des peuples autochtones.
Les parties prenantes privés craignent, quant à eux, que l’OCRE élargisse éventuellement ses pouvoirs et que le pouvoir d’exiger des renseignements puisse porter préjudice aux entreprises. Ils s’inquiètent notamment que l’information sensible obtenue par l’OCRE ne soit pas protégée contre la divulgation et puisse être utilisée ultérieurement dans d’autres procédures. Les parties prenantes privés estiment par ailleurs qu’il existe déjà trop d’organisations centrées sur les droits de la personne et sur la conduite responsable des entreprises en général.
Enjeux et défis : points de vue partagés
Les parties prenantes des trois catégories ont reconnu que les atteintes aux droits de la personne présentent des causes et des conséquences complexes, et ont dégagé un certain nombre de défis à relever :
- Les parties prenantes privés nous ont aidés à comprendre le contexte local qui complique les efforts qu’ils déploient pour réduire les méfaits dans le cadre de leurs activités.
- Les parties prenantes publics et multisectoriels, notamment des experts et des organisations spécialisés dans les enjeux des femmes, nous ont aidés à comprendre le défi que représente la lutte contre les atteintes aux droits de la personne et de leur intersectionnalité avec d’autres défis sociétaux comme la pauvreté et la traite des personnes. Une action transformatrice est nécessaire.
Parmi les thèmes majeurs qui se sont dégagés des discussions, nous avons noté la sécurité des personnes et des communautés, et la prévention des méfaits. Les organisations de toutes les catégories ont reconnu l’importance de cette question de manière générale, mais aussi dans le contexte des examens de l’OCRE sur des allégations d’atteintes aux droits de la personne.
Les discussions avec les parties prenantes privés ont surtout servi à faire ressortir les défis propres aux efforts de réduction des méfaits dans les communautés et les conseils de l’OCRE pour les relever.
De leur côté, les parties prenantes publics et multisectoriels ont souligné que le bureau de l’OCRE, dans l’accomplissement de son mandat, devrait se concentrer sur les besoins, la protection et le bien-être des communautés vulnérables.
Autre thème majeur soulevé par les parties prenantes de toutes les catégories : la nécessité de s’assurer que le mécanisme d’examen est équitable et ne favorise pas une partie au détriment d’une autre. Les différents parties prenantes ont exprimé des préoccupations qui, bien que différentes, n’étaient pas incompatibles. Les parties prenantes multisectoriels étaient davantage tournés sur les moyens de rendre les remèdes plus accessibles et sur la résolution des déséquilibres de pouvoir dans le mécanisme d’examen de l’OCRE. Ils ont insisté sur les remèdes à la technologie pour atteindre cet objectif. Enfin, les parties prenantes privés ont surtout parlé du traitement et de la divulgation des renseignements confidentiels dans le cadre du processus d’examen, en faisant remarquer les effets négatifs que le processus d’examen pourrait avoir sur les entreprises ou les organisations.
La voie à suivre
Nos parties prenantes nous ont envoyé un message on ne peut plus clair : notre efficacité dépend grandement de la manière dont nous appliquons notre mandat. Ils ont exprimé différents points de vue sur les moyens que l’OCRE peut prendre pour améliorer le plus efficacement le respect des droits de la personne dans le cadre de la conduite responsable des entreprises.
Les organisations des trois catégories nous ont conseillé de miser sur l’établissement de relations et de réseaux. Tous ont convenu que nous devrions adopter une approche collaborative.
Nos parties prenantes multisectoriels ont en outre souligné l’importance de s’appuyer sur des réseaux pour atteindre les populations vulnérables. Parmi eux, les gouvernements et les organisations autochtones ont insisté sur l’importance d’impliquer la communauté et les experts autochtones dans le processus d’examen de l’OCRE.
De plus, les parties prenantes multisectoriels comme les parties prenantes publics nous ont conseillé d’une part d’adopter une approche axée sur la communauté pour protéger les droits des populations mal desservies, et d’autre part de nous concentrer sur les besoins et le mieux-être des populations vulnérables, autant dans le contexte des examens qu’à plus long terme.
D’une catégorie à l’autre, les points de vue entendus divergent sur deux fronts : les approches volontaires et le dialogue.
Pour favoriser le respect des droits de la personne, les parties prenantes privés penchent pour des approches volontaires menées par l’industrie. Ils estiment également que le dialogue et la médiation sont des moyens de choix pour résoudre les enjeux liés aux droits de la personne.
Par contre, les parties prenantes multisectoriels et certains parties prenantes publics ont clairement indiqué que, selon eux, les approches volontaires ne fonctionnent pas et des mécanismes plus rigoureux sont nécessaires pour encourager le respect des droits de la personne et la conduite responsable des entreprises. Les avenues proposées comprennent un cadre législatif, des mesures financières, une divulgation obligatoire et des exigences de diligence raisonnable. De nombreux parties prenantes multisectoriels ne voient plus le dialogue et la médiation comme des moyens d’obtenir justice pour les victimes de la mauvaise conduite des entreprises canadiennes à l’étranger. Ils reconnaissent toutefois que la médiation a sa place dans le mandat de l’OCRE.
Leçons apprises
Notre tournée des consultations nous a permis de dégager un certain nombre de messages clés :
- Les relations avec les parties prenantes sont fondamentales pour notre travail.
- Notre mandat doit être défini plus clairement.
- Nous devons concentrer nos activités sur l’atténuation des risques et des préjudices pour toutes les parties impliquées dans un examen.
- Le traitement équitable est d’une importance capitale, mais il n’a pas la même signification pour tous les parties prenantes.
- Les parties prenantes s’accordent sur certains aspects, mais divergent sur d’autres, notamment en ce qui a trait au rôle des approches volontaires et à la nécessité d’adopter des mesures plus strictes pour encourager le respect des droits de la personne.
- Les parties prenantes soutiennent le bureau de l’OCRE de manière générale, mais ne s’entendent pas sur son efficacité éventuelle étant donné l’insuffisance actuelle des pouvoirs de contrainte.
- Tous reconnaissent l’importance d’améliorer le respect des droits de la personne dans le cadre d’une conduite responsable des entreprises, et souhaitent faire un pas dans cette direction.
- La manière dont nous remplirons notre mandat constitue un facteur déterminant qui nous aidera à élargir le soutien et la confiance à notre endroit.
Ces enseignements, nous les intégrerons dans :
Nos valeurs, qui guident notre mode de fonctionnement. Ces valeurs sont :
- l’indépendance : nous exerçons nos activités sans aucun lien de dépendance avec les autres organisations fédérales;
- l’équité et l’impartialité : nous représentons l’intérêt public dans la protection des droits de la personne et nos processus sont justes et objectifs;
- la transparence et la responsabilité : nos processus sont transparents, nous communiquons clairement et ouvertement avec nos parties prenantes et publions les résultats de notre travail;
- l’accessibilité : notre processus est informel, inclusif et accessible;
Nos priorités, c’est-à-dire nos principaux domaines d’intervention. Ces priorités sont :
- le mécanisme de conformité et de règlement des différends : nous misons sur des processus de conformité et de règlement des différends accessibles, rapides, équitables, transparents et impartiaux;
- l’implication : nous misons sur le développement de relations avec les parties prenantes, axées sur le respect, la confiance et la transparence afin que l’on perçoive l’OCRE comme une entité indépendante, impartiale et digne de respect;
- les politiques et la recherche : nous misons sur la réalisation d’une action transformatrice au cœur de politiques touchant les entreprises et les droits de la personne, autant pour les personnes que les communautés, les entreprises canadiennes et les gouvernements concernés, en fournissant des recommandations fondées sur des données probantes et les droits, et en encourageant l’adoption de pratiques exemplaires pour encourager l’adoption de normes internationales en matière de droits de la personne et de pratiques commerciales responsables.
- l’efficacité organisationnelle : L’OCRE a été doté de pouvoirs uniques et nous restons engagés à accroître nos ressources en fonction des besoins pour continuer à établir le statut de l’OCRE en tant qu'organisation indépendante, efficace et respectée
Le travail accompli jusqu’ici
- Nous développons notre mécanisme de conformité et de résolution des différends en nous appuyant sur la recherche, les pratiques exemplaires et les consultations auprès des parties prenantes.
- Afin de promouvoir l’accessibilité, l’équité et la transparence, nous produisons des documents d’information et d’orientation dans différents formats.
- Pour répondre à l’éventail de risques et de préjudices qui pourraient survenir dans le cadre de nos activités, nous élaborons des orientations et des procédures sur une foule d’enjeux, notamment le risque de représailles, la protection des renseignements confidentiels et sensibles, et la nécessité de trouver l’équilibre entre confidentialité et transparence.
- Afin d’intégrer les droits de la personne aux mesures liées à la COVID-19, nous avons publié un énoncé de politique ainsi que d’autres documents d’orientation.
- Dans le cadre de nos efforts pour parvenir à une action transformatrice, nous étudions et analysons les politiques canadiennes actuelles et l’évolution de la situation à l’échelle internationale. Dans la foulée, nous avons notamment publié une analyse portant sur un mécanisme juridiquement contraignant proposé par l’Union européenne.
- Dans le cadre de notre engagement à améliorer l’équité, à lutter contre les déséquilibres de pouvoir et à réaliser des changements transformateurs, nous avons publié un énoncé de politique sur l’égalité raciale.
Et la suite?
En dépit des obstacles engendrés par la COVID-19, nous avons pu continuer à consulter nos parties prenantes par les moyens disponibles. Nous poursuivons le processus, mais nous avons ajusté les échéanciers liés au lancement du mécanisme de conformité et de règlement des différends.
Au cours des prochains mois, les consultations se poursuivront jusqu’au lancement du mécanisme. Gardez l’œil ouvert : nous communiquerons les derniers développements de notre travail, notamment dans notre rapport annuel, notre plan stratégique et nos procédures opérationnelles.
Nous aimerions conclure en remerciant toutes les personnes et les organisations qui ont pris le temps de partager leurs points de vue et leurs idées avec nous au cours de notre tournée des consultations. Nous vous invitons à nous contacter (CORE/OCRE@international.gc.ca) pour nous faire part de vos commentaires, de vos questions ou de vos suggestions sur les prochaines étapes.
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