Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations concernant les activités de Guess? Canada Corporation
Numéro de dossier : 220845
Date de réception de la plainte : 21 juin 2022
Date de publication du rapport : 11 décembre 2023
À propos de l’OCRE
Le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est un mécanisme de règlement des litiges relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada. Toute personne peut déposer une plainte auprès de l’OCRE concernant d’éventuelles atteintes aux droits de la personne découlant des activités des entreprises canadiennes à l’étranger dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz.
Pour de plus amples renseignements, consultez le site Web du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.
Quel est l’objectif de ce rapport?
Dans ce rapport, l’OCRE présente l’information relative à l’étape d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Guess? Canada.
Conformément à l’article 16 du Décret ayant établi le poste d’OCRE, les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur les faits contenus dans le présent rapport. La partie 5 du rapport renferme un résumé de ces observations.
Qui sont les parties concernées par la plainte?
Les plaignants forment une coalition de 28 organisations canadiennes dont la liste figure à l’annexe 1.
Guess? Canada Corporation est une société constituée en vertu de la Nova Scotia Companies Act. Elle a été constituée en Nouvelle-Écosse (Canada) le 19 novembre 2007 sous le numéro de société 3223824 et le nom Guess? Canada Corporation (ci-après dénommée « Guess? Canada »).Note de bas de page 1
Quel est l’objet de la plainte?
Les plaignants allèguent que Guess? Canada a des relations d’approvisionnement avec plusieurs entreprises chinoises qui ont été désignées comme ayant eu recours au travail forcé des Ouïghours ou ayant tiré profit de ce travail forcé. Ils affirment également que rien n’indique que Guess? Canada a pris des mesures concrètes pour s’assurer, hors de tout doute raisonnable, de l’absence de travail forcé des Ouïghours dans sa chaîne d’approvisionnement.
Selon la plainte, Guess? Canada a des relations d’affaires ou des liens de chaîne d’approvisionnement avec les entreprises Shandong Zoucheng Guosheng, Luthai Textile Co. Ltd et Xinjiang Zhongtai Group. La plainte établit un lien entre ces entreprises et le travail forcé des Ouïghours.
Pour étayer leurs allégations, les plaignants se réfèrent aux conclusions consignées dans le rapport de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), intitulé Uyghurs for sale, (en anglais seulement et ci-après appelé le « rapport de l’ASP »), concernant l’entreprise mentionnée ci-dessous : Note de bas de page 2
Jiangsu Guotai Guosheng (« Jiangsu »)Note de bas de page 3 : La plainte allègue qu’en novembre 2019, une usine satellite de Shandong Zoucheng Guosheng (« Shandong ») a affirmé avoir « apporté plus de 3 500 emplois au Xinjiang » [traduction]. Selon un rapport du gouvernement, ces emplois « devaient être le plus grand projet d’aide au Xinjiang [c’est-à-dire de transfert de main-d’œuvre] dans la préfecture de Kachgar » [traduction]. Texworld USA, une plateforme commerciale internationale établie aux États-Unis, a désigné Jiangsu comme étant un fournisseur de Guess (Guess? Inc. et ses filiales, y compris Guess? Canada).
Pour étayer leurs allégations, les plaignants se réfèrent également à un rapport de l’Université de Sheffield Hallam intitulé Laundering Cotton (en anglais seulement) concernant les entreprises énumérées ci-dessous :Note de bas de page 4
Luthai Textile Co. Ltd. (« Luthai »)Note de bas de page 5 : La plainte allègue que Luthai aurait « absorbé » un grand nombre de « travailleurs excédentaires » des régions rurales et participé à des programmes de formation professionnelle. Selon les médias chinois, Luthai participe depuis de nombreuses années à des programmes de transfert de main-d’œuvre. La formation offerte par sa filiale, Xinjiang Luthai Fengshou, se ferait « selon un mode de gestion militarisé, centralisé et fermé » [traduction], ce qui laisse supposer un travail obligatoire ou forcé.
Pour étayer leurs allégations, les plaignants ont également cité les conclusions consignées dans un rapport du Helen Kennedy Center for International Justice, intitulé Built on Repression (en anglais seulement), concernant l’entreprise mentionnée ci-dessous :Note de bas de page 6
Xinjiang Zhongtai Group (« Zhongtai »)Note de bas de page 7 : La plainte affirme que Zhongtai « participe de façon active aux programmes de transfert de main-d’œuvre parrainés par l’État et fait régulièrement état de ses engagements » [traduction]. Selon les médias chinois, il existe un risque élevé que Zhongtai ait recours au travail forcé des Ouïghours, et l’une de ses sociétés affiliées, Aral Fulida, figure parmi les partenaires de la chaîne d’approvisionnement de Guess (Guess? Inc. et ses filiales, y compris Guess? Canada).
Dans une lettre datée du 12 novembre 2021, les plaignants ont demandé à Guess? Canada d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne afin de s’assurer que l’entreprise ne profite pas du travail forcé des Ouïghours. En outre, ils demandaient expressément à Guess? Canada de rompre ses relations avec Jiangsu. Selon eux, l’entreprise n’a pas répondu à leur demande. Elle a plutôt déclaré que, selon ses dossiers, elle n’aurait jamais reçu cette lettre.
Les plaignants ont mentionné qu’en avril 2022, en réponse à une enquête du journaliste Steven Chase du Globe and Mail, la vice-présidente de l’audit interne de Guess, Debbie Herdere, a déclaré qu’aucune des usines citées dans le rapport de l’ASPI comme étant liées à Guess n’était présente dans la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. Mme Herdere a ajouté que « lorsque les entreprises achètent des produits finis à des fournisseurs qui se sont eux-mêmes approvisionnés en matières premières, il peut être difficile de déterminer si les fibres ont été cultivées au Xinjiang » [traduction]. Les plaignants estiment que Guess? Canada est tenue de s’assurer qu’elle n’a pas recours au travail forcé dans ses chaînes d’approvisionnement et qu’elle doit adopter une technologie de traçabilité de celles-ci.
Partie 1 – Résumé de l’étape d’admission (ou d’admissibilité)
- Le 20 juillet 2022, compte tenu des renseignements fournis par les plaignants, l’ombudsman a conclu que la plainte était recevable en vertu de l’article 6.1 de ses Procédures opérationnelles, ce qui signifie que l’ombudsman a estimé que les renseignements fournis par les plaignants étaient suffisants pour conclure de façon raisonnable que chacun des trois critères de recevabilité applicables était respecté. Il y a peu de conditions à remplir pour qu’une plainte puisse être jugée recevable. Les critères d’admissibilité sont les suivants :
- Le motif de la plainte est une atteinte présumée à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale;
- Les allégations d’atteinte aux droits de la personne découlent des activités à l’étranger d’une entreprise canadienne dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz;
- Le motif de la plainte aurait eu lieu après le 1ermai 2019 ou, s’il a eu lieu avant le 1er mai 2019, il se poursuit au moment de la plainte (article 5.7 des Procédures opérationnelles).
- La décision de l’ombudsman a été communiquée aux plaignants le 27 juillet 2022.
- La décision de l’ombudsman, accompagnée d’une copie de la plainte, a été communiquée à Guess? Canada par courriel le 28 juillet 2022. La plainte est alors passée de la phase de réception à la phase d’évaluation initiale du processus de plainte.
Partie 2 – Évaluation initiale
Renseignements généraux
- L’évaluation initiale est le processus consistant à déterminer la suite à donner dans le cas d’une plainte recevable, et notamment la façon de répondre aux objections éventuelles du défendeur (l’entreprise citée dans la plainte). L’ombudsman ne prend pas de décision sur le bien‑fondé de la plainte à l’étape de l’évaluation initiale.
- Les objectifs du processus d’évaluation initiale sont les suivants :
- Mieux comprendre les positions des parties en ce qui concerne les allégations, y compris les objections éventuelles du défendeur à l’égard de la plainte;
- Commencer à cerner les besoins et les intérêts sous-jacents des parties;
- Fournir des renseignements sur le rôle de l’OCRE et les différentes procédures de règlement des différends;
- Collaborer avec les parties pour déterminer la procédure de règlement des différends la mieux adaptée pour résoudre les questions soulevées par la plainte, y compris les allégations et les objections éventuelles du défendeur.
- Au cours de l’évaluation initiale, l’ombudsman rencontre les parties pour connaître leur point de vue sur les allégations, répondre à leurs préoccupations et questions, et solliciter leur consentement à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation. Si les parties refusent de participer à un mécanisme consensuel de règlement des différends, l’ombudsman décide de la suite à donner à la plainte, ce qui peut comprendre la réalisation d’un examen.
La procédure d’évaluation initiale dans le cadre de cette plainte
- Durant l’évaluation initiale de la présente plainte, l’OCRE a pris les mesures suivantes :
- Examen documentaire de la plainte;
- Étude documentaire des rapports de recherche et des déclarations de l’entreprise;
- Réponse initiale de Guess? Canada à la plainte reçue le 27 octobre 2022;
- Document « Note d’information : Confidentialité et protection de la vie privée dans le processus de plainte de l’OCRE » envoyé aux parties le 17 novembre 2022, précisant que le processus de plainte de l’OCRE est soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l’accès à l’information;
- Réunion virtuelle avec les représentants des plaignants le 18 novembre 2022;
- Réunion virtuelle avec l’avocat de Guess? Canada le 23 novembre 2022;
- Lettre envoyée à Guess? Canada le 23 décembre 2022 décrivant les options offertes dans le cadre des procédures de règlement des différends ainsi que les prochaines étapes;
- Réception le 7 mars 2023 de la réponse de suivi de Guess? Canada à la plainte;
- Courriel à Guess? Canada daté du 11 avril 2023 demandant le consentement de l’entreprise pour communiquer aux plaignants le contenu de sa lettre du 7 mars 2023;
- Courriel de Guess? Canada daté du 14 avril 2023 indiquant le refus de l’entreprise de partager avec les plaignants le contenu de sa lettre du 7 mars 2023;
- Courriel à Guess? Canada daté du 27 avril 2023 pour informer l’entreprise que l’OCRE procédera à la rédaction du rapport d’évaluation initiale et résumera les objections de Guess? Canada ainsi que les documents et renseignements connexes;
- Courriel de Guess? Canada daté du 3 mai 2023, invoquant des motifs de confidentialité et déclarant que l’entreprise doit avoir la possibilité d’examiner le rapport d’évaluation initiale avant toute autre partie, y compris les plaignants;
- Lettre envoyée à Guess? Canada le 5 mai 2023 demandant à l’entreprise de préciser les renseignements fournis à l’OCRE qu’elle juge confidentiels ainsi que les raisons pour lesquelles ces renseignements sont considérés comme étant confidentiels;
- Courriel de Guess? Canada daté du 16 mai 2023 affirmant que Guess? Canada avait communiqué avec l’OCRE de manière confidentielle et réitérant sa demande de commenter les faits contenus dans le rapport avant que celui-ci ne soit transmis à toute autre partie, y compris les plaignants;
- Lettre envoyée à Guess? Canada le 18 mai 2023 réitérant la demande précédemment adressée par l’OCRE à l’entreprise afin que cette dernière précise les renseignements fournis à l’OCRE qu’elle juge confidentiels ainsi que les raisons pour lesquelles ces renseignements sont considérés comme étant confidentiels;
- Courriel de Guess? Canada daté du 26 mai 2023 réitérant ses demandes de confidentialité;
- Lettre envoyée à Guess? Canada le 4 juillet 2023 précisant que l’OCRE ne fera pas référence aux renseignements, documents et observations fournis par l’entreprise dans la préparation du présent rapport d’évaluation initiale, à l’exception des documents accessibles au public.
- Lettre de Guess? Canada datée du 6 juillet 2023 réitérant que l’entreprise avait communiqué avec l’OCRE de manière confidentielle et affirmant que l’OCRE devait se prononcer sur les objections de Guess? Canada avant de procéder à la rédaction de ce rapport.
Ce que les plaignants ont dit à l’OCRE
- Lors de la réunion d’évaluation initiale tenue le 18 novembre 2022, les plaignants se sont dits disposés à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation, et ont accepté de signer un accord de confidentialité. Les plaignants sont prêts à envisager un règlement général dans lequel l’identité de Guess? Canada serait gardée confidentielle, qui procurerait des solutions pour remédier à tout recours possible au travail forcé des Ouïghours et qui aiderait les entreprises canadiennes du secteur du vêtement à exercer comme il se doit une diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans ce contexte à risque élevé. Les plaignants ont également indiqué que, compte tenu de la complexité de trouver l’origine des textiles, en particulier dans la région du Xinjiang, il était préférable que les entreprises du secteur du vêtement utilisent une technologie de traçabilité des fibres pour répertorier tous les maillons de leurs chaînes d’approvisionnement, de la fibre à la vente au détail.
Réponse de Guess? Canada Corp. à la plainte
- Dans une série de lettres et courriels échangés avec l’OCRE, Guess? Canada a affirmé que certains renseignements et documents que l’entreprise avait fournis à l’OCRE au cours de la procédure de plainte étaient confidentiels ou ont été communiqués à l’OCRE à titre confidentiel.
- Guess? Canada déclare que les renseignements, les documents et les demandes quelle a transmis à l’OCRE sont confidentiels et ne doivent pas être divulgués aux plaignants ou à d’autres personnes jusqu’à ce que l’OCRE rende une décision quant aux objections de Guess? Canada, offre à Guess? Canada la possibilité d’examiner et de prendre en considération cette décision, et autorise une réponse de la part de Guess? Canada.
- L’OCRE a demandé à deux reprises à Guess? Canada de préciser quels étaient les renseignements fournis qu’elle considérait comme confidentiels, ainsi que les raisons pour lesquelles ils étaient considérés comme tels. Guess? Canada a déclaré qu’elle ne ferait pas de déclaration générale concernant la confidentialité; elle a mentionné que certains renseignements pouvaient être rendus publics, mais n’a pas précisé les motifs pour lesquels les autres renseignements étaient jugés confidentiels. L’entreprise a également déclaré, à d’autres occasions dans ses échanges avec l’OCRE, qu’elle avait communiqué avec celui-ci à titre confidentiel. Il n’est toutefois pas possible de déterminer clairement si cette déclaration s’applique à certaines ou à l’ensemble de ses communications avec l’OCRE.
- Compte tenu de la position de Guess? Canada concernant la confidentialité, l’OCRE n’a pas fait référence aux renseignements, aux documents et aux observations soumis par l’entreprise dans le cadre de la préparation du présent rapport. De même, il ne s’appuiera pas sur ceux-ci pour déterminer s’il y a lieu de procéder à une enquête.
- Si l’ombudsman détermine que la plainte doit passer au stade de l’enquête, et que Guess? Canada souhaite que ces documents soient inclus dans les délibérations de l’OCRE, l’entreprise aura la possibilité de conclure une entente de non-divulgation afin d’atténuer le risque de divulgation. Conformément à l’article 16 du Décret, Guess? Canada a également la possibilité de formuler des commentaires concernant l’ébauche du présent rapport. Une synthèse de ces commentaires est fournie à la partie 5.
- Les renseignements fournis à l’OCRE par Guess? Canada et désignés par l’entreprise comme n’étant pas confidentiels comprennent :
- La politique de confidentialité de Guess? Canada;
- Le code d’éthique de Guess? Inc.;
- La liste des principaux fournisseurs de niveau 1 de Guess? Inc. et de ses dix principaux fournisseurs de denim de niveau 2;
- Une déclaration de Guess? Inc. précisant que les fournisseurs de niveau 1 de Guess? Inc. ne sont pas autorisés à s’approvisionner en marchandises et en coton dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang;
- Une déclaration de Guess? Inc. (septembre 2020) officialisant sa politique consistant à ne pas faire affaire avec des distributeurs ou des fournisseurs exerçant des activités dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang;
- Guess? Canada a mentionné à l’OCRE qu’en 2019, en raison des processus de surveillance, de gestion des risques et de diligence raisonnable en place, et conformément aux exigences de la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, Guess (Guess? Inc. et ses filiales, y compris Guess? Canada) avait cessé toute relation commerciale avec les fournisseurs de niveau 1 au Xinjiang et interdit tout lien de travail avec les entreprises basées dans cette région. Guess? Inc. a officialisé en septembre 2020 sa politique consistant à ne pas conclure de marchés avec des distributeurs ou des fournisseurs du Xinjiang. Il a également été interdit aux fournisseurs de niveau 1 de s’approvisionner en matériaux provenant du Xinjiang, et une formation a été offerte pour s’assurer que les fournisseurs respectent cette exigence.
Partie 3 – Comment traiter la plainte
- L’ombudsman doit décider de la suite à donner à la plainte et peut :
- fermer le dossier – l’ombudsman peut décider de ne pas donner suite à la plainte et fermer le dossier après avoir publié le présent rapport conformément au paragraphe 14(2) des Procédures opérationnelles;
- mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits – l’ombudsman peut décider d’enquêter sur la plainte en procédant à une recherche indépendante des faits, conformément à l’alinéa 7b) du Décret.
- Au moment de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête, l’ombudsman prend en considération le contexte général de la plainte et les facteurs pertinents, notamment la question de savoir si :
- la plainte est frivole ou vexatoire;
- la plainte est en cours d’examen ou a été examinée par une autre instance;
- l’entreprise canadienne a déjà fourni une réponse ou une réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte;
- des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles;
- une enquête est susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants ou pour d’autres personnes.
- La coopération de l’entreprise canadienne citée dans une plainte n’est pas déterminante pour établir si des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles. L’OCRE peut prendre en considération la disponibilité des renseignements provenant de toutes les sources raisonnablement accessibles. De plus, dans tout rapport final, l’OCRE peut faire des observations sur l’incidence de la coopération des parties sur la disponibilité des renseignements et d’autres aspects de l’enquête.
- Pour déterminer si une réparation acceptable ou efficace est vraisemblablement possible en l’espèce, l’ombudsman examinera les mesures correctives envisageables.
Analyse
- À première vue, les allégations formulées par les plaignants soulèvent de sérieuses questions au sujet d’une atteinte possible à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé, dont il est question dans les instruments suivants :
- Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 – article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes;
- Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 – paragraphe 23(1) : droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions équitables et satisfaisantes de travail; voir aussi Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 – article 6.1;
- Convention (no29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930 – articles 1 et 2 : Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire; voir aussi Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1976 – alinéa 8(3)a); et Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930;
- Convention (n° 105) de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957 – article 1 : interdiction du travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition politique ou de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse;
- La gravité des conséquences de l’éventuel recours au travail forcé des Ouïghours sur les droits de la personne est soulignée dans le rapport du HCDH intitulé « Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China » (évaluation des préoccupations relatives aux droits de la personne dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en République populaire de Chine) [en anglais seulement], publié en août 2022. Ce rapport indique que des restrictions considérables, arbitraires et discriminatoires des droits de la personne et des libertés fondamentales ont été imposées aux Ouïghours et à d’autres communautés majoritairement musulmanes vivant au Xinjiang « en violation des lois et des normes internationales » [traduction] et exhorte les États, les entreprises et la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre un terme à ces mauvais traitements.
- Conscient de la gravité du recours possible au travail forcé des Ouïghours au Xinjiang, le gouvernement du Canada exige des entreprises canadiennes qui s’approvisionnent directement ou indirectement au Xinjiang ou auprès d’entités recourant à la main-d’œuvre ouïghoure, ou qui cherchent à pénétrer le marché du Xinjiang qu’elles signent la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang avant de recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux (SDC). De plus, le gouvernement du Canada s’est engagé, dans son budget de 2023, à réduire les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement et a signalé son intention de renforcer l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement du Canada en déplaçant les chaînes d’approvisionnement critiques de dictatures vers des démocraties.
- La plainte soulève également des questions sur la diligence raisonnable exercée par Guess? Canada. Les principes 14 et 17 des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF) indiquent que la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans les zones à haut risque comme la région du Xinjiang en Chine doit être adaptée en fonction de la nature et du contexte des activités de l’entreprise, des types de groupes vulnérables et de l’intensité et de la gravité des risques en matière de droits de la personne, et qu’une entreprise peut être amenée à adopter des mesures plus strictes dans un contexte opérationnel à haut risque.
- Les Principes directeurs des Nations Unies fournissent également une orientation quant à la responsabilité des entreprises de faire preuve de transparence à l’égard de leurs activités de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Les entreprises dont les activités commerciales ou le contexte de fonctionnement présentent des risques d’incidences graves sur les droits de la personne devraient communiquer officiellement la façon dont elles cernent ces incidences graves et remédient à celles-ci (principe 21 des Principes directeurs des Nations Unies et son commentaire [PDF]). Lorsque des préoccupations sont exprimées par les intervenants concernés ou en leur nom, ou par d’autres parties intéressées, les entreprises doivent fournir des renseignements suffisants et veiller à ce que leurs rapports ou communications soient accessibles aux publics cibles.
- Compte tenu de la position de Guess? Canada et des informations présentées dans le rapport de l’ASPI et dans les rapports Laundering Cotton et Built on Repression, qui suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien entre Guess? Canada et les entités chinoises que les rapports désignent comme ayant recours au travail forcé des Ouïghours, les informations disponibles semblent contradictoires, ce qui peut justifier un examen.
- La procédure de plainte de l’OCRE est soumise à la Loi sur l’accès à l’information (LAI [PDF]) et à la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP [PDF]) du Canada. Cela signifie que l’OCRE ne peut garantir la confidentialité des renseignements ou des documents échangés au cours de la procédure de plainte, à moins que ceux-ci ne soient exemptés de l’application de la LAI et de la LPRP. Une personne qui présente une demande en vertu de la LAI peut avoir accès aux renseignements contenus dans les dossiers de l’OCRE. Il existe des exceptions à la divulgation aux termes de la LAI, notamment en ce qui a trait aux renseignements commerciaux confidentiels. La Loi sur la protection des renseignements personnels protège les renseignements personnels des particuliers visés par la Loi et détenus par l’OCRE conformément à celle-ci. Au sens de la Loi, les « renseignements personnels » sont ceux concernant une personne identifiable, y compris son nom, ses coordonnées, son état de santé, sa sécurité physique et ses relations personnelles.
- L’OCRE peut accepter de maintenir certains renseignements confidentiels pendant la procédure de plainte. Le paragraphe 20.6 des Procédures opérationnelles de l’OCRE précise que l’OCRE peut conclure des accords de confidentialité (ou de non-divulgation) avec l’une ou l’autre des parties, ou avec les deux, afin de protéger certains renseignements confidentiels. Toutefois, ces renseignements peuvent être divulgués en vertu de la LAI, sous réserve des exemptions prévues, comme il a été expliqué précédemment.
- L’OCRE s’efforce de protéger les renseignements personnels et la confidentialité, tout en assurant la transparence de son processus de plainte. Toutefois, il convient de souligner que l’OCRE est tenu, en vertu de son Décret, d’assurer un processus d’examen « équitable » et « transparent » (article 9, paragraphe 1). À cette fin, les procédures opérationnelles de l’OCRE stipulent que « l’ombudsman s’efforcera de réaliser son mandat de manière transparente et communiquera généralement les renseignements pertinents, notamment aux parties ou aux personnes visées par un examen » (paragraphe 20.1).
- Bien que l’OCRE puisse prendre des mesures pour protéger les renseignements confidentiels, en l’absence de précisions de la part du défendeur concernant sa demande de confidentialité, l’OCRE n’est pas en mesure de prendre des mesures pour atténuer le risque de divulgation.
- Toujours en matière d’équité procédurale et de transparence, lorsqu’une entreprise conteste la compétence de l’OCRE pour instruire une plainte, cette contestation doit être : i) mise à la disposition de l’autre partie, afin de lui donner la possibilité d’y répondre; ii) rendue publique, puisqu’il est clairement dans l’intérêt du public de comprendre comment l’OCRE interprète sa compétence. En ce qui concerne toutes les plaintes, l’OCRE interprète sa compétence comme suit :
- Le fondement permettant à l’OCRE de traiter les allégations de violations des droits de la personne est établi par le Décret qui le constitue. Les expressions « exerce des activités à l’extérieur du Canada » et « exerçant des activités à l’extérieur du Canada » figurent chacune à un endroit dans cet instrument. La définition de l’expression « atteinte aux droits de la personne » au paragraphe 1(1) exige que les allégations d’atteintes découlent « … des activités d’une entreprise canadienne à l’étranger». Le paragraphe 1(2) précise les entités qui relèvent du mandat d’examen de l’OCRE en définissant une entreprise canadienne comme une « entité… exerçant des activités à l’extérieur du Canada dans le secteur du vêtement ou les secteurs minier ou pétrolier et gazier, y compris l’entité qu’elle contrôle qui exerce des activités à l’extérieur du Canada dans le secteur du vêtement ou les secteurs minier ou pétrolier et gazier » [non souligné dans l’original].
- La question de savoir si une entreprise « exerce des activités à l’extérieur du Canada » au regard du paragraphe 1(2) se distingue de la question de savoir si une atteinte aux droits de la personne « découl[e] des activités d’une entreprise canadienne à l’étranger » au regard du paragraphe 1(1). Par exemple, une entreprise peut exercer des activités à l’extérieur du Canada en respectant la définition d’une entreprise canadienne qui figure au paragraphe 1(2) du Décret. Toutefois, dans une plainte particulière, une atteinte présumée aux droits de la personne peut ne pas découler des activités à l’extérieur du Canada de cette entreprise, comme l’exige le paragraphe 1(1). La question de savoir si l’atteinte aux droits de la personne « découl[e] des activités d’une entreprise canadienne à l’étranger » se rapporte au bien-fondé de la plainte et exige habituellement qu’un contexte factuel très complet soit examiné dans le cadre d’une enquête avant d’être tranchée.
- L’ombudsman doit être convaincu qu’il a compétence sur l’entreprise nommée dans la plainte. À l’étape de la recevabilité, l’ombudsman rend une décision préliminaire concernant son autorisation légale en se fondant sur les renseignements et les inférences raisonnables présentés par un plaignant. L’ombudsman peut revoir cette décision à n’importe quelle étape du processus de traitement de la plainte. Lorsqu’un défendeur fait valoir qu’il n’exerce pas d’activités à l’extérieur du Canada au sens d’une « entreprise canadienne » telle qu’elle est définie au paragraphe 1(2), l’ombudsman a le pouvoir discrétionnaire de décider du moment où il convient de trancher la question.
- Le Décret ne définit pas l’expression « exerce des activités à l’extérieur du Canada ». Une approche large et téléologique à l’égard de son interprétation est appropriée — une approche qui reflète ce que le Décret est censé faire. Cela est également conforme à la nature des droits de la personne et des obligations qui sous-tendent le mandat de l’OCRE et à son rôle dans la représentation de l’intérêt public dans la protection des droits de la personne, y compris la prévention des atteintes aux droits de la personne.
- L’article 5 du Décret fournit également une orientation sur la façon d’aborder l’interprétation de l’expression « exerce des activités à l’extérieur du Canada ». Il exige que l’OCRE soit guidé par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF) et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (Principes directeurs de l’OCDE [PDF]) dans l’accomplissement de son mandat. Selon le principe directeur 13 de l’ONU et son commentaire connexe, les activités commerciales peuvent inclure une grande variété d’actions et d’omissions.
- Une interprétation large des « activités » [« operations» dans la version anglaise du Décret] est également appuyée par le libellé de la version française du Décret, qui utilise le terme « activités ».
- De plus, les paragraphes 1(2) et 1(3) du Décret définissent une entreprise canadienne comme incluant les entités qu’elle contrôle directement ou indirectement et toutes les entités contrôlées par ces entités. Cela signifie que l’OCRE peut examiner les atteintes possibles aux droits de la personne découlant d’entités qui ont des relations d’affaires avec une entreprise canadienne, ce qui inclut leur chaîne d’approvisionnement. Cela est conforme au principe directeur 13 des Nations Unies et à son commentaire connexe qui indique que les relations commerciales comprennent « les relations avec ses partenaires commerciaux, les entités de sa chaîne de valeur, et toute autre entité non étatique ou étatique directement liée à ses activités, ses produits ou ses services commerciaux ».
- Le secteur du vêtement, en particulier, est souvent composé de chaînes d’approvisionnement complexes où la production d’un vêtement peut avoir lieu dans plusieurs pays différents et être réalisée par de nombreuses entités différentes, dont plusieurs avec lesquelles une entreprise canadienne peut ne pas avoir de relation contractuelle directe. Comme il est indiqué à l’article 2 des Procédures opérationnelles de l’OCRE, le secteur du vêtement comprend tous les processus liés à la fabrication de vêtements et de chaussures, y compris la fabrication des matières premières (par exemple, le tissu et le cuir), la distribution, l’utilisation et l’élimination. Au sein des entreprises qui ne sont pas intégrées verticalement, ces processus se déroulent dans la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise.
- Si l’ombudsman décide de mener une enquête, Guess? Canada aura la possibilité de participer au processus et de fournir des réponses, y compris des renseignements supplémentaires sur les mesures qu’elle a prises pour s’acquitter de son devoir de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
- Compte tenu du contexte plus large de la plainte et de la difficulté à obtenir des renseignements dans le pays, une recherche indépendante des faits pourrait être limitée. La disponibilité des renseignements devra être évaluée au fur et à mesure du déroulement de l’enquête et elle sera prise en compte dans tout rapport final.
- La plainte ne nomme pas de particuliers et ne les rend pas identifiables, ce qui réduit la possibilité qu’une enquête augmente le risque pour ces derniers. Si l’ombudsman décide de mener une enquête, une évaluation des risques sera effectuée tout au long de l’enquête.
Partie 4 – Participation au processus de plainte
- Comme il a été mentionné précédemment, Guess? Canada a répondu à la plainte. L’entreprise a également accepté de participer à une réunion d’évaluation initiale, qui s’est tenue le 23 novembre 2022. Guess? Canada a répondu à toutes les correspondances de l’OCRE, mais n’a pas justifié sa demande de confidentialité relative aux renseignements, aux documents et aux observations qu’elle a fournis à l’OCRE dans le cadre de la procédure de plainte.
- Selon les Procédures opérationnelles de l’OCRE, une participation active et pleine et entière au processus de plainte est un signe de bonne foi :
L’article 11.1 exige que les parties participent pleinement au processus de plainte, notamment en fournissant à l’ombudsman les renseignements et les documents pertinents et en mettant les témoins à disposition dans un délai raisonnable, selon les délais établis par l’ombudsman.
L’article 11.2 prévoit que si une entreprise canadienne ne participe pas activement au processus de traitement de la plainte, notamment en refusant de fournir des renseignements et des documents pertinents, l’ombudsman pourrait tirer les conclusions négatives ou défavorables qui conviennent durant la recherche des faits.
L’article 12.4 prévoit que l’ombudsman peut déterminer qu’une partie n’agit pas de bonne foi si elle ne participe pas activement à un examen sans explication raisonnable. - Si l’ombudsman décide que Guess? Canada n’agit pas de bonne foi, il peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour formuler une recommandation à l’intention du ministre, conformément à l’article 10 du Décret, qui stipule que l’ombudsman peut recommander au ministre la mise en œuvre de mesures commerciales, notamment :
- le retrait de l’appui à la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (connu sous le nom d’Affaires mondiales Canada);
- le refus par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement d’appuyer à l’avenir la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne;
- le refus par Exportation et développement Canada de soutenir financièrement l’entreprise canadienne à l’avenir.
Partie 5 – Observations présentées par les parties
Observations des plaignants
- Dans une lettre datée du 22 septembre 2023, les plaignants ont formulé les observations suivantes sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Les plaignants affirment que l’OCRE devrait mener une enquête en s’appuyant sur une recherche indépendante des faits. Pour étayer leur affirmation, les plaignants invoquent les facteurs énoncés au paragraphe 17.
- Premièrement, les plaignants font valoir que la plainte n’est ni frivole ni vexatoire. Se référant au rapport de l’ASPI, aux recherches de Laura Murphy, ainsi qu’à celles menées par Laura Murphy, Jim Vallette et Nyrola Elimä, les plaignants déclarent que les « … preuves présentées contre Guess? Canada Corporation sont considérables » [traduction].
- Deuxièmement, les plaignants font remarquer que la plainte n’est pas en cours d’examen ou n’a pas été examinée par une autre instance.
- Troisièmement, les plaignants affirment que Guess? Canada Corporation n’a pas fourni de réponse ou de réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte. Plus précisément, les plaignants affirment qu’ils n’ont reçu aucune réponse à leur lettre envoyée à Guess? Canada Corporation en novembre 2021. Les plaignants affirment également que la déclaration de Debbie Herdere, vice-présidente de l’audit interne de Guess, concernant « la difficulté de déterminer le recours au travail forcé lorsque des fournisseurs qui se sont eux-mêmes approvisionnés en matières premières » [traduction] n’est pas convaincante. Les plaignants soulignent en outre que, bien que Guess? Canada ait informé l’OCRE qu’elle avait cessé en 2019 toute relation commerciale avec les fournisseurs de niveau 1 au Xinjiang, qu’elle avait mis en place une interdiction de travailler avec toute entreprise basée dans la région du Xinjiang, qu’elle interdisait aux fournisseurs de niveau 1 de s’approvisionner en matériaux au Xinjiang et qu’elle assurait une formation pour veiller à ce que les fournisseurs se conforment à ses exigences, ces déclarations ne sont pas satisfaisantes. Selon les plaignants, les conclusions de l’ASPI et de Laura Murphy contredisent les déclarations de Guess? Canada selon lesquelles elle nie tout lien avec des entreprises ayant recours au travail forcé.
- Quatrièmement, les plaignants affirment que les informations pertinentes sont susceptibles d’être disponibles dans le domaine public, notamment grâce aux travaux de l’ASPI et de Laura Murphy et ses collègues, et affirment que même si Guess? Canada Corporation ne coopère pas, des informations pertinentes et substantielles sont accessibles au public.
- Enfin, les plaignants font remarquer que la tenue d’une enquête n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants ou d’autres personnes.
Observations de Guess? Canada Corporation
- Le 22 septembre 2023, Guess? Canada Corporation a fait part des observations suivantes concernant l’ébauche du rapport d’évaluation initiale :
- Tout d’abord, l’entreprise affirme que les « rapports » présentés par l’OCRE ne mentionnent pas Guess? Canada et ne fournissent aucune preuve vérifiable et crédible que Guess? Canada est lié à des entités basées en Chine qui ont recours au travail forcé. Elle précise que la publication Facebook intitulée « Introducing Our Mill of the Month for May », qui désigne de façon inexacte Guess? comme étant l’un des clients d’un exposant à un salon professionnel, ne constitue pas une preuve exacte et vérifiable. L’entreprise souligne que l’exposant n’a pas été un fournisseur de Guess? Inc. depuis bien avant 2017. Elle mentionne également que malgré le fait que Guess? Canada a soigneusement examiné les allégations contenues dans la plainte et y a répondu, l’OCRE n’a pas encore reconnu les réponses formulées par Guess? Canada aux allégations.
- Deuxièmement, Guess? Canada conteste la compétence de l’OCRE, exprimant de sérieuses réserves quant au processus et aux critères d’admissibilité de l’OCRE. Elle affirme que « l’OCRE n’a pas compétence sur Guess? Canada puisque l’entreprise n’exerce pas d’activités à l’extérieur du Canada » [traduction], ajoutant que Guess? Canada n’a jamais fait d’affaires en Chine, n’a aucune relation commerciale avec un fournisseur ou un fabricant en Chine, et nie l’allégation selon laquelle elle serait mêlée à des violations des droits de la personne en Chine. En outre, Guess? Canada souligne que « l’OCRE a conclu que la plainte était recevable en se fondant uniquement sur les informations fournies par les plaignants, et ce, sans en avertir Guess? Canada et sans offrir à Guess? Canada la possibilité de présenter des observations » [traduction].
- Troisièmement, Guess? Canada affirme qu’elle a rapidement fourni tous les renseignements demandés par l’OCRE, qu’elle a participé au processus de plainte et qu’elle a continué à agir de bonne foi tout au long du processus, malgré ses objections aux allégations, ainsi que ses objections quant à la compétence de l’OCRE. En ce qui a trait à ses préoccupations liées à la confidentialité, qui n’ont pas encore été prises en compte, elle mentionne que « contrairement à ce qu’a suggéré l’OCRE, Guess? Canada a justifié ses demandes de confidentialité dans le cadre des observations qu’elle a soumises » [traduction]. Guess? Canada a ajouté qu’elle estimait que ses objections relatives à la compétence de l’OCRE et à la recevabilité de la plainte étaient confidentielles et ne concernaient que l’entreprise et l’OCRE.
- Quatrièmement, Guess? Canada réitère son engagement à éradiquer le travail forcé de ses chaînes d’approvisionnement et à interdire à ses entrepreneurs et à ses fournisseurs de recourir au travail forcé, et souligne certains de ses efforts à cet égard, notamment le code de conduite de GUESS? et les normes relatives aux pratiques commerciales de l’entreprise, ainsi que le rapport de GUESS? sur les normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Partie 6 – Décision de l’ombudsman
- Afin de donner suite aux allégations formulées dans la plainte, l’ombudsman a décidé de lancer une recherche indépendante des faits. Pour parvenir à sa décision, l’ombudsman a pris en compte les facteurs mentionnés au paragraphe 17 du présent rapport et, en particulier, la question de savoir si les informations actuellement disponibles comportent des lacunes qui justifient la tenue d’une enquête.
- Guess? Canada a répondu à la plainte et a nié les allégations qui y sont formulées. Guess? Canada a également soulevé des questions de compétence qui ont été abordées au paragraphe 30 du présent rapport. Bien que Guess? Canada ait répondu à la plainte, sa réponse ne semble pas tenir pleinement compte de la nature complexe de la chaîne d’approvisionnement ou des risques aux niveaux inférieurs de sa chaîne d’approvisionnement. Les renseignements disponibles comportent donc des lacunes, ce qui justifie une enquête. Plus particulièrement, Guess? Canada a fourni à l’OCRE la liste de ses principaux fournisseurs de niveau 1 et de ses dix premiers fournisseurs de denim de niveau 2. Elle a souligné ses exigences en matière de conformité sociale pour ses usines de niveau 1, a affirmé qu’elle avait cessé toute relation commerciale avec les fournisseurs de niveau 1 au Xinjiang, a souligné qu’il était interdit à ses fournisseurs de niveau 1 de s’approvisionner en marchandises et en coton au Xinjiang, et a mentionné qu’elle offrait une formation à ses fournisseurs de niveau 1 pour s’assurer qu’ils ne s’approvisionnent pas en marchandises et en coton au Xinjiang. Néanmoins, compte tenu de la nature complexe des chaînes d’approvisionnement de l’industrie du vêtement et de la complexité du traçage de l’origine des textiles, il est possible que les usines des niveaux inférieurs de Guess ? Canada utilisent du coton provenant du Xinjiang. L’enquête tiendra compte de cet élément et d’autres indicateurs de risques connexes.
- Même si l’accessibilité des renseignements pertinents pourrait être limitée en raison du contexte plus large de la plainte, l’ombudsman sollicitera l’aide d’enquêteurs spécialisés dans la recherche et l’analyse de données publiquement accessibles. Si les renseignements disponibles sont limités, ou si l’accès aux renseignements est restreint en fonction du degré de coopération de Guess? Canada, l’ombudsman peut indiquer dans le rapport d’enquête comment la disponibilité des renseignements influe sur sa capacité à tirer des conclusions.
- Guess? Canada aura continuellement la possibilité de fournir d’autres renseignements pertinents au cours de l’enquête, y compris des renseignements concernant ses activités de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
- Pendant que l’ombudsman procédera à une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits, la médiation demeurera possible à n’importe quelle étape du processus de plainte, à la discrétion de l’ombudsman et avec l’accord des parties. L’ombudsman encourage les parties à envisager une médiation, en tenant compte du fait que ce processus se déroule en toute confidentialité, notamment en ce qui concerne les renseignements délicats sur le plan commercial.
Annexe 1
Les plaignants : une coalition de 28 organisations
- Canadians in Support of Refugees in Dire Need (CSRDN)
- Alliance Canada Hong Kong
- Anatolia Islamic Centre
- Comité Canada Tibet
- Canadians Against Oppression & Persecution
- Conseil canadien des femmes musulmanes (CCFM)
- Conseil canadien des imams (CCI)
- Canada-Hong Kong Link
- Doctors for Humanity
- East Turkistan Association of Canada
- End Transplant Abuse in China (ETAC)
- Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne, Université d’Ottawa
- Human Concern International (HCI)
- Cercle islamique d’Amérique du Nord – Canada (ICNA)
- Islamic Society of North America (ISNA)
- Justice pour tous
- Lawyers for Humanity
- Association musulmane du Canada (MAC)
- Conseil national des musulmans canadiens (CNMC)
- Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne
- Canadian Security Research Group
- Share 2 Care (S2C)
- Stop Uyghur Genocide Canada
- Toronto Association for Democracy in China
- Union of Medical care and Relief Organizations-Canada (UOSSM)
- Uyghur Refugee Relief Fund
- Uyghur Rights Advocacy Project
- Vancouver Society in Support of Democratic Movement
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