Diligence raisonnable dans l’industrie du vêtement : défis et possibilités en matière de protection des droits des enfants
Vidéo – Webinaire de l’OCRE : Diligence raisonnable dans l’industrie du vêtement | Transcription
Rapport de webinaire
Le 21 février 2022, l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a organisé un événement virtuel en marge du 8e Forum de l’OCDE sur le devoir de diligence dans le secteur de l’habillement et de la chaussure (.pdf, en anglais seulement). Cet événement était fondé sur les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU (.pdf) et les directives de l’OCDE sur le devoir de diligence dans le secteur de l’habillement et de la chaussure (en anglais seulement). Compte tenu de la croissance des exigences en matière de transparence et de responsabilité à l’égard des entreprises de vêtements et de l’industrie de la mode dans son ensemble, et de l’évolution vers une législation sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, le webinaire a porté principalement sur les entreprises et les fournisseurs de vêtements et sur la manière dont ils peuvent mettre en place des exigences de diligence raisonnable strictes pour repérer et prévenir le recours au travail des enfants. La discussion a également porté sur la façon dont la pandémie de COVID-19 a affecté les chaînes d’approvisionnement du vêtement et les activités relatives à la diligence raisonnable en matière de droits de la personne sur le terrain. Le webinaire, animé par Sheri Meyerhoffer, ombudsman canadienne pour la responsabilité des entreprises, a réuni les quatre conférencières suivantes :
- Tulika Bansal,conseillère principale sur les entreprises et les droits de la personne à l’Institut danois des droits de la personne. Depuis plus de dix ans, Tulika collabore avec des entreprises privées, des gouvernements, des organismes de l’ONU et des institutions nationales des droits de la personne afin de promouvoir le respect des droits de la personne dans le secteur privé.
- Ines Kaempfer, PDG du Centre for Child Rights and Business, entreprise à vocation sociale qui travaille avec des entreprises afin de protéger et de promouvoir les droits de l’enfant dans les chaînes d’approvisionnement. Sous la direction d’Ines, le Centre est devenu une référence mondiale en matière de prévention du travail des enfants et de remédiation, et couvre désormais 16 pays.
- Claire O’Kane, consultante internationale en matière de droits de l’enfant. Elle possède plus de 25 ans d’expérience internationale en matière de droits de l’enfant et de travail de participation dans divers contextes, à titre de praticienne et de chercheuse. Depuis 2015, Claire est consultante principale en soutien des initiatives de recherche participative et de défense des droits de Dialogue Works et de Time to Talk auprès des enfants qui travaillent.
- Claudia Sandoval,vice-présidente de la responsabilité sociale d’entreprise chez Gildan, l’une des plus grandes entreprises de vêtements au Canada. Claudia gère le programme social et environnemental de Gildan dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement mondiale. Établie au Honduras, où se trouve le plus grand centre de production de l’entreprise, Claudia a intégré Gildan en 2004 et possède plus de 24 ans d’expérience dans des domaines liés aux droits de la personne, à la participation des intervenants et au développement communautaire.
Voici un résumé des principaux éléments abordés lors du webinaire.
Risques et perspectives du travail des enfants dans le secteur de l’habillement en 2022
- En 2021, la transparence de la chaîne d’approvisionnement a chuté de plus de 30 %. Ce phénomène est particulièrement flagrant en Asie. La chaîne d’approvisionnement du secteur de l’habillement est complexe et fragmentée. Les entreprises de vêtement s’intéressent généralement à leurs usines de niveau 1, mais il est nécessaire d’examiner les niveaux plus en amont de la chaîne d’approvisionnement (sous-traitants, sous-fournisseurs, producteurs de matières premières, etc.), car la transparence des usines de niveau 2 et 3 tend à être plus limitée.
- Nous constatons une pression croissante sur le secteur de l’habillement pour qu’il améliore la transparence de sa chaîne d’approvisionnement. Cette pression provient des gouvernements, des institutions financières et des entreprises de vêtements elles-mêmes, qui à leur tour font pression sur leur chaîne d’approvisionnement. Lorsque les entreprises commenceront à examiner de plus près leur chaîne d’approvisionnement, elles trouveront davantage de données et de risques liés au travail des enfants.
- Les exigences de diligence raisonnable en matière de droits de la personne touchent les petites et moyennes entreprises (PME). Elles peuvent utiliser leur taille à leur avantage. En effet, alors que les grandes entreprises traitent avec des milliers de fabricants et de fournisseurs, les PME font affaire avec beaucoup moins d’intervenants, ce qui peut rendre leurs activités moins compliquées et leur permettre d’améliorer leur transparence.
- La pandémie de COVID-19 a rendu l’accès aux usines plus difficile, ce qui a nui à la capacité des entreprises à mener des bilans sociaux et d’autres types d’évaluations pour repérer les risques et les conséquences liés aux violations des droits de la personne et des droits de l’enfant et pour remédier à ces situations. Par exemple, il est difficile d’établir une relation de confiance avec les travailleurs, de vérifier leur âge et de leur parler hors site dans le cadre de vérifications virtuelles.
- La pandémie de COVID-19 a également compromis l’accès à l’éducation de nombreux enfants, ce qui a conduit beaucoup d’entre eux à intégrer le marché du travail. La diminution du travail a entraîné une augmentation des risques pour les enfants, notamment une augmentation de la violence au sein des familles, des communautés et des milieux de travail.
- La pandémie de COVID-19 a révélé comment les chaînes d’approvisionnement peuvent s’effondrer et les conséquences que cela peut avoir sur les travailleurs et les enfants qui travaillent. Avec la fermeture des magasins et des usines, les fournisseurs de matières premières n’ont plus de revenus, et si les entreprises ne connaissent pas leur chaîne d’approvisionnement, elles ne seront pas conscientes de ces liens et de ces répercussions. Il faut donc comprendre les différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement de l’habillement. Le Myanmar est un exemple de pays où les risques pour les travailleurs du secteur de l’habillement ont augmenté en raison de la pandémie de COVID-19 et du contexte politique. En raison de l’annulation des commandes de vêtements et de l’arrêt temporaire de la production par les entreprises à la suite de la prise du pouvoir par l’armée en 2021, les travailleurs de l’industrie du vêtement et leurs enfants se sont retrouvés sans revenu.
Les efforts des entreprises de vêtements pour prévenir et combattre le travail des enfants
- Toutes les entreprises découvriront des problèmes liés au travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Cependant, les entreprises de vêtements responsables mettront en place un système pour en assurer le suivi. Les entreprises ne peuvent pas résoudre le problème du travail des enfants par elles-mêmes, mais elles peuvent jouer un rôle important et agir en tant qu’agentes du changement, parfois même plus rapidement que les gouvernements.
- Gildan est un fabricant intégré verticalement qui possède et exploite de grandes installations intégrées verticalement en Amérique centrale, dans les Caraïbes et au Bangladesh. Être propriétaire d’installations de filature, de textile et de couture permet une plus grande visibilité et un meilleur contrôle de la chaîne d’approvisionnement. Gildan a pris les mesures suivantes pour lutter contre le travail des enfants :
- réalisation d’évaluations des risques en matière de droits de la personne afin de repérer les cas de travail des enfants dans différents pays;
- mise en place d’un système de vérifications et de surveillance continue;
- fourniture de directives claires aux usines et aux fournisseurs;
- formation des responsables des usines sur la manière de détecter le travail des enfants;
- publication sur son site Web d’une liste des usines de niveau 2 et 3 ou des installations de filature et de textiles afin de renforcer la traçabilité et la transparence;
- mise en place de mécanismes de réclamation pour les travailleurs et les intervenants de la communauté;
- mobilisation des employés et soutien à l’accès des enfants à l’éducation dans les pays et les communautés où l’entreprise exerce ses activités.
- Le Centre for Child Rights and Business travaille avec les entreprises de vêtements dans le but de mieux comprendre leurs chaînes d’approvisionnement. Il peut s’agir de réaliser des évaluations des répercussions sur les droits de l’enfant, d’approfondir la compréhension des risques dans la chaîne d’approvisionnement, de cerner des mesures pratiques pour lutter contre le travail des enfants et d’accroître la sensibilisation aux causes profondes de ce problème. Le Centre travaille avec les usines de vêtements à la mise en place de centres parascolaires gérés par l’entreprise pour aider les enfants à demeurer à l’école, et pour instaurer des processus permettant à l’entreprise de prendre des mesures pour remédier, à l’échelle individuelle ou collective, aux cas de travail des enfants qui sont découverts dans la chaîne d’approvisionnement.
Approche holistique pour lutter contre le travail des enfants
- Les droits de l’enfant font partie du vaste cadre des droits de la personne. Lorsque les entreprises examinent les incidences sur les droits de la personne, elles doivent prendre en compte les questions relatives aux droits de l’enfant et s’appuyer sur l’expertise en la matière.
- Le travail des enfants ne doit pas être abordé comme une simple question de conformité. Ce problème nécessite une approche holistique qui prend en compte les besoins des enfants et leur situation, ainsi que la manière de les soutenir sans aggraver la situation pour eux. Les interventions doivent être guidées par un examen attentif de l’intérêt supérieur de l’enfant.
- Remédier aux causes profondes du travail des enfants prend du temps. Par exemple, il faut se pencher sur l’accès à une éducation de qualité et mettre en place des politiques favorables à la famille, verser aux travailleurs des salaires décents et coopérer avec différents intervenants de l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment avec des experts des droits de l’enfant, des organisations de lutte contre le travail des enfants, des enfants et des personnes qui s’occupent des enfants.
- La tendance croissante dans de nombreux pays vers une législation obligatoire sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne a des conséquences importantes pour le secteur de l’habillement, dont la chaîne d’approvisionnement est longue et complexe et traverse différents pays et différentes régions. Les entreprises se verront dans l’obligation de mettre en place des pratiques de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, ce qui comprend la nécessité de répondre aux questions relatives aux droits de l’enfant.
Les pratiques exemplaires pour la mobilisation des enfants qui travaillent
- Veiller à la compréhension du contexte socioculturel, politique et économique local afin de prévenir l’exploitation et le travail préjudiciable des enfants. Dans les cas où l’approvisionnement en vêtements est délocalisé vers le travail à domicile, la mise en place de certaines politiques et certaines pratiques est nécessaire pour assurer le contrôle du travail à domicile.
- Il est essentiel d’écouter les enfants et de prendre leur avis au sérieux dans les processus décisionnels. Repérer et mettre en place des plates-formes durables pour écouter les enfants et établir une collaboration permanente avec des enfants, des intervenants des services à la jeunesse, des familles et des intervenants du secteur commercial et du gouvernement.
- Élaborer, mettre en œuvre et surveiller les politiques et les pratiques (p. ex., le code de conduite) afin de protéger les enfants contre le travail dangereux et l’exploitation, tout en repérant les possibilités d’un travail léger et décent, avec de bonnes conditions de travail, qui soit flexible et adapté aux besoins en matière d’éducation et de loisirs.
- Consulter régulièrement les jeunes travailleurs et soutenir leur engagement auprès de syndicats, d’associations et de groupes (en veillant à ce qu’ils aient accès aux informations sur leurs droits et aux mécanismes de présentation de plaintes). Cela doit comprendre des efforts pour consulter les enfants qui travaillent depuis leur domicile.
- Soutenir l’accès des enfants à une éducation et à une formation professionnelle de qualité. Dans la mesure du possible, investir dans l’amélioration des infrastructures locales (p. ex., écoles et centres de santé).
Pour en savoir plus
- Getting it Right (en anglais seulement), un guide de diligence raisonnable en matière de droits de la personne pour les secteurs danois de la mode et du textile, élaboré conjointement par l’Institut danois des droits de la personne.
- In the spotlight: Follow-up Exploratory Research on the Effects of the COVID-19 Pandemic in the Lives of Working Children and their Families (en anglais seulement), Ornella Barros et Claire O’Kane, juin 2021.
- “Let our voices be heard!” Proposals of working children and youth around the globe (.pdf, en anglais seulement), Time to Talk!, Kindernothilfe et Terre des Hommes International Federation.
- Children’s Rights and Business in Myanmar (.pdf, en anglais seulement). Document d’information, Myanmar Centre for Responsible Business, avril 2017.
- L’OCRE lancera une étude sur le recours possible au travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du secteur canadien du vêtement, communiqué, 16 décembre 2021.
Signaler un problème sur cette page
- Date de modification: