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Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Diesel Canada Inc.

 

Numéro de dossier : 220841
Date de réception de la plainte : 21 juin 2022
Date de publication du rapport : 24 août 2023 

À propos de l’OCRE

Le Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est un mécanisme de règlement des différends relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada. Toute personne peut déposer une plainte auprès de l’OCRE concernant d'éventuelles atteintes aux droits de la personne résultant des activités des entreprises canadiennes à l’étranger dans les secteurs du vêtement, minier ou pétrolier et gazier.

Pour de plus amples renseignements, consultez le site du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.

Quel est l’objectif de ce rapport?

L’OCRE rend compte de la phase d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Diesel Canada Inc.

Conformément à l’article 16 du Décret ayant établi le poste d’OCRE (« le décret »), les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur les faits contenus dans le rapport. La partie 5 du rapport renferme un résumé de ces observations.

Qui sont les parties concernées par la plainte?

Les plaignants sont une coalition de 28 organisations canadiennes dont la liste figure à l’annexe 1.

Diesel Canada Inc. est une entreprise canadienne de vêtements. Diesel Canada Inc. (Diesel Canada) a été constituée en vertu de la Loi sur les corporations commerciales du Nouveau-Brunswick le 29 janvier 2016. Son siège social est situé rue Germain, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et son adresse postale est située rue Dufferin, à North York, en OntarioNote de bas de page 1.

Quel est l’objet de la plainte?

Les plaignants allèguent que la chaîne d’approvisionnement de Diesel Canada a recours au travail forcé des Ouïghours ou en tire profit. Les plaignants citent le rapport Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) qui désigne Jiangsu Guotai Guosheng (Jiangsu) comme un fournisseur chinois de la chaîne d’approvisionnement de Diesel où des Ouïghours travailleraient « dans des conditions qui indiquent fortement le recours au travail forcéNote de bas de page 2 » [traduction]. Même si certains des renseignements fournis et les rapports mentionnés dans la plainte font référence à Diesel, il n’est pas clair s’il s’agit de Diesel Canada, de Diesel Inc. (la société mère américaine de Diesel Canada) ou de Diesel en tant que marque ou détaillant international. Selon les plaignants, Diesel n’a pas répondu aux allégations formulées dans le rapport Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’ASPI publié en mars 2020.

Pour étayer leurs allégations, les plaignants font référence au rapport Laundering Cotton (en anglais seulement) qui indique qu’en dépit des moyens possibles d’assurer la traçabilité et la transparence des chaînes d’approvisionnement, les détaillants et les marques internationales de vêtements ne font rien pour contrer le risque de travail forcé dans la région du Xinjiang. Selon la plainte, le rapport Laundering Cotton (en anglais seulement) fournit des preuves que cinq grandes entreprises de textile en Chine ont recours au travail forcé des Ouïghours ou en tirent profit en établissant des filiales dans la région ouïghoure, en achetant du coton du Xinjiang en passant par des intermédiaires ou en participant ou en collaborant à des programmes de transfert forcé de travailleurs. En retraçant les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, le rapport Laundering Cotton (en anglais seulement) indique que ces entreprises chinoises fournissent des produits semi-finis à 53 fabricants intermédiaires qui, à leur tour, approvisionnent 103 marques internationales. La plainte ne précise pas si Diesel Canada fait partie de ces 103 marques internationales et le rapport ne mentionne pas Diesel Canada ou Diesel.

Les plaignants allèguent également que Diesel n’a pas cherché à résoudre la question de l’obtention d’intrants issus du travail forcé au début de la chaîne d’approvisionnement. Il n’est pas clair si les plaignants désignent Diesel Canada, Diesel Inc. ou Diesel en tant que marque ou détaillant international. Les plaignants font référence aux données ou informations suivantes concernant le recours généralisé au travail forcé des Ouïghours dans les champs de coton et la prédominance du coton du Xinjiang dans la production mondiale de vêtements et affirment que le fait de s’approvisionner n’importe où en Chine implique « inévitablement » le recours au travail forcé des Ouïghours dans la chaîne d’approvisionnement :

  1. Un vêtement en coton sur cinq sur le marché mondial du vêtement est entaché par le travail forcé des Ouïghours.
  2. Environ 19 % de la production mondiale de coton (PDF) vient du Xinjiang (Turkestan oriental).
  3. En 2019, il y avait au Xinjiang 3 500 usines de coton, de textile et de vêtements dans lesquelles des Ouïghours étaient utilisés comme travailleurs forcés.
  4. Environ deux millions de travailleurs ouïghours ont été placés par la contrainte dans des programmes de transfert forcé de la main-d’œuvre parrainés par l’État dans neuf provinces chinoises.
  5. La stratégie d’exportation (PDF) de la Chine masque l’origine du coton du Xinjiang en organisant le transport du coton, des fils et des textiles à base de coton et des vêtements semi-finis vers 53 fabricants intermédiaires dans des pays tiers, qui approvisionnent à leur tour 103 détaillants ou marques d’envergure internationale.

Les plaignants indiquent que, dans leur lettre datée du 12 novembre 2021, ils ont demandé à Diesel Canada d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne pour s’assurer que l’entreprise ne tire pas profit du travail forcé des Ouïghours et de mettre fin à ses relations avec Jiangsu. Les plaignants affirment qu’ils n’ont pas reçu de réponse à leur demande de renseignements ni d’explications sur la manière dont Diesel Canada exerce une diligence raisonnable en matière de droits de la personne.

Partie 1 — Résumé de l’étape d’admission (ou d’admissibilité)

  1. Le 20 juillet 2022, l’OCRE a conclu que la plainte était recevable en vertu de l’article 6.1 de ses Procédures opérationnelles compte tenu des renseignements fournis par les plaignants. Cela signifie que l’OCRE estime que les renseignements fournis par les plaignants étaient suffisants pour conclure de façon raisonnable que chacun des trois critères de recevabilité applicables était respecté. Il y a peu de conditions à remplir pour qu’une plainte puisse être jugée recevable. Les critères utilisés pour déterminer la recevabilité d’une plainte sont les suivants :
    • Le motif de la plainte est une atteinte présumée à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale.
    • Les allégations d’atteinte aux droits de la personne découlent des activités à l’étranger d’une entreprise canadienne dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz.
    • Le motif de la plainte aurait eu lieu après le 1ermai 2019 ou, s’il a eu lieu avant le 1er mai 2019, il se poursuit au moment de la plainte. (article 5.7 des Procédures opérationnelles).
  2. La décision de l’OCRE a été communiquée aux plaignants le 27 juillet 2022.
  3. Le 28 juillet 2022, l’OCRE a envoyé un courriel à Diesel Canada pour l’informer de la décision prise. Comme le courriel n’a pas été livré, l’OCRE a tenté d’informer Diesel Canada en août 2022, à la fois par courriel et par courrier recommandé, qu’une plainte avait été déposée à son encontre. Le 13 octobre 2022, la plainte a été transmise avec succès à Diesel Canada. La plainte est alors passée à l’étape de l’évaluation initiale du processus de plainte. Le 13 octobre 2022, l’OCRE a reçu un courriel de Diesel Canada indiquant que l’entreprise n’avait pas acheté de matières en provenance du Xinjiang depuis 2017.
  4. Le 24 octobre 2022, un courriel a été envoyé à Diesel Canada pour l’inviter à participer à une réunion d’évaluation initiale.

Partie 2 — Évaluation initiale

Renseignements généraux

  1. L’évaluation initiale est le processus consistant à déterminer la suite à donner dans le cas d’une plainte recevable, et notamment la façon de répondre aux objections éventuelles du défendeur (l’entreprise citée dans la plainte). L’OCRE ne prend pas de décision sur le bien‑fondé de la plainte à l’étape de l’évaluation initiale.
  2. Les objectifs du processus d’évaluation initiale sont les suivants :
    • Mieux comprendre les positions des parties en ce qui concerne les allégations, y compris les objections éventuelles du défendeur.
    • Commencer à cerner les besoins et les intérêts sous-jacents des parties.
    • Fournir des renseignements sur le rôle de l’OCRE et les différentes procédures de règlement des litiges.
    • Collaborer avec les parties pour déterminer la procédure de règlement des litiges la mieux adaptée pour résoudre les questions soulevées par la plainte, y compris les allégations et les objections éventuelles du défendeur.
  3. Au cours de l’évaluation initiale, l’OCRE rencontre les parties pour connaître leur point de vue sur les allégations, répondre à leurs préoccupations et questions et solliciter leur consentement à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation. Si les parties refusent de participer à un mécanisme consensuel de règlement des litiges, l’OCRE décide de la suite à donner à la plainte, ce qui peut comprendre l’ouverture d’une enquête.

La procédure d’évaluation initiale dans le cadre de la présente plainte

  1. Durant l’évaluation initiale de la présente plainte, l’OCRE a pris les mesures suivantes :
    1. Examen documentaire de la plainte.
    2. Réunion virtuelle avec les représentants des plaignants le 18 novembre 2022.
    3. Examen des réponses de Diesel Canada datées du 13 octobre et du 9 novembre 2022.

Ce que les plaignants ont rapporté à l’OCRE

  1. Lors de la réunion d’évaluation initiale du 18 novembre 2022, les plaignants se sont dits disposés à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation et ont accepté de signer un accord de confidentialité. Les plaignants sont prêts à envisager un règlement général dans lequel l’identité de Diesel Canada serait gardée confidentielle et qui procurerait des solutions pour remédier à tout recours au travail forcé des Ouïghours et pour aider les entreprises canadiennes du secteur du vêtement à exercer comme il se doit une diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans ce contexte à risque élevé.
  2. Les plaignants ont également indiqué que, compte tenu de la complexité de trouver l’origine des textiles, en particulier dans la région du Xinjiang, il était préférable d’utiliser une technologie de traçabilité de l’origine des fibres qui permet de répertorier tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, de la fibre à la vente au détail. Ils ont mentionné avoir compris que, en utilisant une technologie de traçabilité, un détaillant ou un importateur de vêtements peut s’assurer que ses produits importés n’utilisent pas de coton provenant de la région du Xinjiang.

Réponse de Diesel Canada à la plainte

  1. Diesel Canada a décidé de ne pas participer à une réunion d’évaluation initiale. Cependant, elle a fourni les réponses suivantes les 13 octobre et 9 novembre 2022.
  2. Le 13 octobre 2022, Diesel Canada a demandé que son nom soit retiré de la plainte et a déclaré que Diesel Canada Inc. n’était impliquée dans aucune atteinte aux droits de la personne. Elle a indiqué qu’elle n’achète plus de matières provenant de la région du Xinjiang (Turkestan oriental) depuis 2017. L’entreprise s’est dite totalement opposée à toute atteinte aux droits de la personne, où qu’elle se produise dans le monde, et a condamné fermement la violence et le recours à la force contre toute personne, tout groupe ethnique ou toute société.
  3. Le 9 novembre 2022, le PDG de Diesel Canada a indiqué que Diesel a examiné sa chaîne d’approvisionnement et a nié les allégations des plaignants selon lesquelles « l’entreprise a acheté des produits de Jiangsu Guotai Guosheng depuis le 1er mai 2019 ou continue de le faire » [traduction]. Diesel Canada a indiqué que l’allégation selon laquelle l’entreprise s’approvisionnait auprès de Jiangsu n’étant pas fondée, les critères de recevabilité d’une enquête menée par l’OCRE n’étaient pas satisfaits. Par conséquent, l’examen devrait être interrompu. Diesel Canada a aussi réitéré son adhésion au code de déontologie d’OTB [en anglais seulement], le groupe propriétaire de Diesel Canada; ce code est entré en vigueur avant le 1ermai 2019 et l’engage à mener ses activités d’une manière conforme à la loi et à l’éthique et à condamner le travail forcé.

Partie 3 — Comment traiter la plainte

  1. L’ombudsman doit décider de la suite à donner à la plainte et peut :
    1. Fermer le dossier – L’ombudsman peut décider de ne pas donner suite à la plainte et fermer le dossier après avoir publié le présent rapport conformément au paragraphe 14(2) du Décret.
    2. Proposer une médiation aux parties – Avec l’accord des deux parties, l’ombudsman peut décider de proposer une médiation conformément à l’article 9 des Procédures opérationnelles.
    3. Mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits – L’ombudsman peut décider d’enquêter sur la plainte en procédant à une recherche indépendante des faits, conformément à l’alinéa 7b) du Décret.
  2. Au moment de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête, l’OCRE prend en considération le contexte général de la plainte et les facteurs pertinents, notamment la question de savoir si :
    1. La plainte est frivole ou vexatoire.
    2. La plainte est en cours d’examen ou a été examinée par une autre instance.
    3. L’entreprise canadienne a déjà fourni une réponse ou une réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte.
    4. Des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles.
    5. Une réparation efficace est susceptible d’être disponible.
    6. Un examen est susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour le plaignant ou pour d’autres personnes.
  3. La coopération de l’entreprise canadienne citée dans une plainte n’est pas déterminante pour établir si des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles. L’OCRE peut prendre en considération la disponibilité des renseignements provenant de toutes les sources raisonnablement accessibles. En outre, dans tout rapport final, l’OCRE peut faire des observations sur l’incidence de la coopération des parties sur la disponibilité des renseignements et d’autres aspects de l’enquête.
  4. Pour déterminer si une réparation acceptable ou efficace est vraisemblablement possible en l’espèce, l’OCRE examinera les mesures correctives envisageables.

Analyse

  1. À première vue, les allégations formulées par les plaignants soulèvent de sérieuses questions au sujet d’une atteinte possible à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé, dont il est question dans les instruments suivants :
    1. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 – article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
    2. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 – paragraphe 23(1) : droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions équitables et satisfaisantes de travail; voir aussi Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 – article 6.1.
    3. Convention (no29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930 – articles 1 et 2 : Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire; voir aussi Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 – alinéa 8(3)a); et Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930.
    4. Convention (no 105) de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957 – article 1 : interdiction du travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition politique ou de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
  2. La gravité des conséquences sur les droits de la personne du possible recours au travail forcé des Ouïghours est soulignée dans le rapport OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China (en anglais seulement) publié en août 2022. Ce rapport indique que des restrictions considérables, arbitraires et discriminatoires des droits de la personne et des libertés fondamentales ont été imposées aux Ouïghours et à d’autres communautés majoritairement musulmanes vivant au Xinjiang « en violation des lois et des normes internationales » et exhorte les États, les entreprises et la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre un terme à ces mauvais traitements.
  3. Conscient de la gravité du recours possible au travail forcé des Ouïghours au Xinjiang, le gouvernement du Canada exige des entreprises canadiennes qui s’approvisionnent directement ou indirectement au Xinjiang ou auprès d’entités recourant à la main-d’œuvre ouïghoure, ou qui cherchent à pénétrer le marché du Xinjiang, qu’elles signent la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang avant de recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux (SDC). De plus, le gouvernement du Canada s’est engagé, dans son budget de 2023, à réduire les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement et a signalé son intention de renforcer l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement du Canada en déplaçant les chaînes d’approvisionnement critiques de dictatures vers des démocraties.
  4. La plainte soulève des questions sur la diligence raisonnable de Diesel Canada. Les principes 14 et 17 (et les commentaires connexes) des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF) indiquent que la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans les zones à haut risque comme la région du Xinjiang en Chine doit être adaptée en fonction de la nature et du contexte des activités de l’entreprise, des types de groupes vulnérables et de l’intensité et de la gravité des risques en matière de droits de la personne, et qu’une entreprise peut devoir adopter des mesures plus rigoureuses dans un contexte opérationnel à haut risque. Même si Diesel Canada affirme qu’elle ne s’approvisionne pas au Xinjiang, du coton issu du travail forcé peut entrer dans sa chaîne d’approvisionnement en raison de la prévalence du coton du Xinjiang dans la chaîne d’approvisionnement mondiale du coton. Cela peut se produire, par exemple, lorsque le coton du Xinjiang est utilisé par des fabricants intermédiaires dans des pays tiers pour la fabrication de vêtements fournis à l’entreprise primaire. Par conséquent, une solide diligence raisonnable en matière de droits de la personne est nécessaire pour déceler la présence possible de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement.
  5. Les Principes directeurs des Nations Unies fournissent également une orientation quant à la responsabilité des entreprises de faire preuve de transparence à l’égard de leurs activités de diligence raisonnable. Les entreprises dont les activités commerciales ou le contexte de fonctionnement présentent des risques d’incidences graves sur les droits de la personne doivent communiquer officiellement la façon dont elles cernent ces incidences graves et remédient à celles-ci (principe 21 et commentaire connexe des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF). Lorsque des préoccupations sont exprimées par les acteurs concernés ou en leur nom, ou par d’autres parties intéressées, les entreprises doivent fournir des renseignements suffisants et veiller à ce que leurs rapports ou communications soient accessibles aux publics cibles.
  6. Comme il a été mentionné plus tôt, Diesel Canada a fourni deux réponses distinctes à la plainte et a rejeté les allégations des plaignants pour les motifs suivants :
    1. Diesel ne s’approvisionne pas en matières provenant du Xinjiang.
    2. Diesel Canada n’a aucune relation d’approvisionnement avec Jiangsu : Diesel Canada a indiqué avoir examiné sa chaîne d’approvisionnement et n’avoir trouvé aucun lien d’approvisionnement avec Jiangsu à compter du 1ermai 2019. Par conséquent, l’allégation des plaignants concernant l’approvisionnement auprès de Jiangsu est sans fondement.
  7. Il est nécessaire pour une entreprise non seulement d’adopter des politiques d’approvisionnement éthique et responsable, mais aussi d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne adaptée au contexte et de faire preuve de transparence à cet égard, en particulier lorsque des préoccupations sont exprimées par les parties prenantes. Le fait que Diesel Canada n’a pas répondu à la lettre envoyée par les plaignants le 12 novembre 2021 ni communiqué avec l’OCRE au sujet d’une éventuelle réunion d’évaluation initiale soulève des questions quant à sa transparence.
  8. Diesel Canada n’a pas fourni de détails sur l’examen de sa chaîne d’approvisionnement visant à vérifier si Jiangsu est intervenue dans celle-ci, comme la date de l’examen et ses conclusions. De plus, le fait qu’une entreprise s’approvisionne directement au Xinjiang n’est pas déterminant, car, compte tenu de la nature de la chaîne d’approvisionnement en coton, le coton du Xinjiang peut être transporté et utilisé partout dans le monde, y compris lorsqu’il est mélangé à du coton ou à d’autres fibres provenant d’ailleurs.
  9. Il convient de noter que les plaignants allèguent, sur la base du rapport Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’ASPI, que Diesel entretient des relations d’approvisionnement avec la société chinoise Jiangsu. Toutefois, il n’est pas clair si la plainte visait Diesel Canada, la société mère américaine Diesel Inc. ou Diesel en tant que marque ou détaillant international.
  10. Si l’OCRE décide de mener une enquête sur la plainte, Diesel Canada aura en tout temps la possibilité d’y participer et de fournir des réponses, y compris des renseignements supplémentaires sur l’examen de sa chaîne d’approvisionnement, l’approvisionnement auprès de Jiangsu et les mesures qu’elle a prises pour exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
  11. Compte tenu du contexte plus large de la plainte et des difficultés à obtenir des renseignements dans le pays, une recherche indépendante des faits pourrait être limitée. La disponibilité des renseignements devra être évaluée au fur et à mesure du déroulement de l’enquête et elle sera prise en compte dans tout rapport final.
  12. La plainte ne nomme pas de particuliers et ne les rend pas identifiables, ce qui réduit la possibilité qu’une enquête augmente le risque pour ces derniers. Si l’OCRE décide de mener une enquête, une évaluation des risques sera effectuée tout au long de l’enquête.

Partie 4 — Participation au processus de plainte

  1. Comme il est indiqué ci-dessus, Diesel Canada a répondu à la plainte, mais n’a pas répondu à l’invitation de l’OCRE de participer à une réunion d’évaluation initiale.
  2. Selon les Procédures opérationnelles de l’OCRE, une participation active et pleine et entière au processus de plainte est un signe de bonne foi :

    Conformément à l’article 11.1 : Les parties à l’examen d’une plainte et les personnes visées par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman sont censées y participer pleinement, notamment en fournissant à l’ombudsman les renseignements et les documents pertinents, en mettant les témoins à disposition dans un délai raisonnable, selon les délais établis par l’ombudsman.

    Conformément à l’article 11.2 : Si une entreprise canadienne ne participe pas activement à un examen et, entre autres, refuse de fournir des renseignements et des documents pertinents, l’ombudsman pourrait tirer les conclusions négatives ou défavorables qui conviennent durant la recherche des faits.

    Conformément à l’article 12.4 : L’ombudsman peut déterminer qu’une partie à l’examen d’une plainte ou une personne visée par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman qui ne participe pas activement à l’examen […] sans explication raisonnable, n’agit pas de bonne foi.

  3. Si la décision est prise de mener une enquête, l’OCRE examinera la question de la participation de bonne foi de Diesel Canada à un stade ultérieur et prendra en considération les renseignements fournis par Diesel Canada. L’ombudsman peut exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 10 du Décret et recommander à la ministre la mise en œuvre de mesures commerciales, à savoir l’une ou l’autre des mesures suivantes :
    1. Le retrait de l’appui à la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (connu sous le nom d’Affaires mondiales Canada) ;
    2. Le refus par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement d’appuyer à l’avenir la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne ;
    3. Le refus par Exportation et développement Canada de soutenir financièrement l’entreprise canadienne à l’avenir.

Partie 5 — Observations présentées par les parties

Observations des plaignants

  1. Le 12 juin 2023, les plaignants ont présenté leurs observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Les plaignants affirment que l’OCRE devrait mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits. Pour étayer leur affirmation, les plaignants invoquent les facteurs énoncés au paragraphe 15.
  2. Premièrement, les plaignants soutiennent que la plainte n’est ni frivole ni vexatoire. Ils réitèrent les éléments de preuve fournis dans la plainte et affirment qu’une enquête est justifiée compte tenu de ce qui suit :
    1. La gravité des questions en cause, c’est-à-dire l’atteinte possible à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé.
    2. Les preuves substantielles fournies par le rapport de l’ASPI reliant Diesel à l’entité chinoise Jiangsu, qui aurait recours au travail forcé des Ouïghours et serait le plus grand « projet d’aide au Xinjiang ».
    3. Le fait que Diesel Canada n’a pas fourni de détails sur l’examen présumé de sa chaîne d’approvisionnement.
    4. Les conclusions de l’ASPI contredisent les affirmations de Diesel Canada selon lesquelles elle ne s’approvisionne pas au Xinjiang.
  3. En réponse à la question soulevée au paragraphe 26 du présent rapport, les plaignants affirment que l’ASPI n’est pas une organisation canadienne et que son rapport ne portait pas sur une filiale propre à un pays et n’a pas examiné les liens entre les entreprises canadiennes et le travail forcé des Ouïghours. Cependant, les plaignants estiment que toute implication de Diesel dans le travail forcé des Ouïghours implique directement Diesel Canada Inc. par extension, étant donné que cette filiale est sous le contrôle direct de la société mère. Diesel Canada serait donc « impliquée » si sa société mère Diesel est soupçonnée d’avoir des liens avec le travail forcé des Ouïghours. Selon les plaignants, l’OCRE « s’est manifestement rangée à cet avis en jugeant recevable notre plainte contre Diesel Canada Inc. » [traduction].
  4. Deuxièmement, les plaignants font remarquer que la plainte n’est pas examinée dans une autre instance et qu’elle ne l’a pas été par le passé.
  5. Troisièmement, les plaignants soutiennent que l’OCRE devrait considérer que Diesel Canada n’a pas agi de bonne foi conformément à l’article 12.4 des Procédures opérationnelles, en se fondant sur ce qui suit :
    1. Diesel Canada n’a pas proposé de réponse ou de réparation satisfaisante à l’égard des allégations contenues dans la plainte ; elle s’est contentée de rejeter les allégations des plaignants sans fournir de preuves à l’appui de son refus.
    2. Diesel Canada a refusé sans motif de participer au processus de règlement des litiges de l’OCRE.
    3. Diesel Canada n’a pas répondu à la lettre des plaignants datée du 12 novembre 2021.
  6. Quatrièmement, les plaignants affirment que des renseignements pertinents sont susceptibles d’être publiquement disponibles, notamment au moyen des données sur les importations et du rapport de l’ASPI. De plus, les plaignants soutiennent que « dans la mesure où il existerait des lacunes dans les renseignements pertinents disponibles en raison d’un manque de coopération constant de la part de Diesel Canada Inc., l’OCRE pourrait en tirer des conclusions défavorables au cours de l’établissement des faits » [traduction]. Les plaignants laissent entendre qu’un tel recours pourrait encourager la coopération dans le cadre du processus de l’OCRE à l’avenir. En revanche, la fermeture du dossier inciterait les entreprises canadiennes à ne pas coopérer avec l’OCRE à l’avenir.
  7. Cinquièmement, les plaignants font remarquer qu’il existe des recours efficaces puisque l’ombudsman peut recommander à la ministre du Commerce international d’adopter des mesures commerciales, notamment le retrait de l’aide existante à la défense des intérêts commerciaux et le refus de fournir à l’entreprise de l’aide à la défense de ses intérêts commerciaux et de l’aide financière à l’avenir. Ils affirment que de telles mesures encourageraient non seulement Diesel Canada Inc., mais aussi toutes les entreprises canadiennes ayant des activités à l’étranger à s’assurer qu’elles ne tirent pas profit du travail forcé des Ouïghours.
  8. Enfin, les plaignants font remarquer que la tenue d’une enquête n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour le plaignant ou d’autres personnes.

Observations de Diesel Canada

  1. L’ébauche du rapport d’évaluation initiale a été envoyée à Diesel Canada par courriel le 30 mai 2023 et l’entreprise a eu 10 jours ouvrables pour faire part de ses observations. L’OCRE n’a reçu aucune observation de Diesel Canada.

Partie 6 — Décision de l’OCRE

  1. L’accord des deux parties est essentiel pour procéder à la médiation ou à une recherche conjointe des faits. Alors que les plaignants avaient initialement indiqué qu’ils étaient disposés à envisager tous les modes de règlement des litiges, ils ont indiqué dans leurs observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale qu’ils souhaitaient que la plainte fasse l’objet d’une enquête. Diesel Canada a fourni deux brèves réponses à la plainte, n’a pas répondu aux multiples demandes de réunion d’évaluation initiale et n’a pas formulé d’observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Par conséquent, il semble que la médiation ne soit pas une option viable à l’heure actuelle.
  2. L’OCRE a décidé que les allégations à l’encontre de Diesel Canada justifiaient une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits. L’enquête se limitera à l’examen du lien présumé entre Diesel Canada et Jiangsu. Pour parvenir à sa décision, l’OCRE a pris en compte les facteurs mentionnés au paragraphe 15 du présent rapport et, en particulier, la contradiction dans les renseignements actuellement disponibles concernant la question de savoir si Diesel Canada a ou a eu une relation d’approvisionnement avec Jiangsu après le 1ermai 2019. Ce faisant, l’OCRE n’évalue pas les éléments de preuve et ne se prononce pas sur le bien-fondé de la plainte. L’OCRE examine plutôt si, au vu des renseignements disponibles, il convient de mener une enquête.
  3. Dans la plainte, les plaignants s’appuient sur le rapport de l’ASPI pour étayer le lien allégué entre Diesel Canada et le travail forcé des Ouïghours. Bien que Diesel Canada ait nié sommairement l’allégation et mentionné son examen de sa chaîne d’approvisionnement, l’entreprise n’a pas fourni de détails sur :
    1. le moment de l’examen ;
    2. la portée de l’examen, par exemple, s’il a visé les fournisseurs de premier niveau ou s’il s’est étendu aux fournisseurs de deuxième niveau et au-delà ;
    3. les constatations précises issues de l’examen.
  4. Bien que Diesel Canada ait fourni deux brèves réponses initiales à la plainte, elle n’a pas participé à la réunion d’évaluation initiale et n’a fourni aucune observation sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. La non-participation de Diesel Canada au processus de l’OCRE soulève des questions quant au degré de transparence des pratiques de l’entreprise concernant la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, y compris sa façon de répondre aux allégations d’atteinte possible aux droits de la personne reconnus à l’échelle internationale. Pour être efficace, la diligence raisonnable en matière de droits de la personne doit se faire dans un cadre ouvert, participatif et réceptif pour traiter les plaintes ou les griefs soulevés par les intervenants, y compris l’OCRE. Les entreprises font preuve de la transparence requise par les Principes directeurs des Nations Unies en traitant une plainte en temps utile et de manière active, y compris en diffusant les résultats des examens et des audits internes, le cas échéant.
  5. Au cours de l’enquête, Diesel Canada aura toujours la possibilité de participer et de fournir d’autres renseignements pertinents, y compris les renseignements mentionnés au paragraphe 44. L’OCRE évaluera la participation et la bonne foi de Diesel Canada à la fin de l’enquête et pourra, s’il y a lieu, recommander à la ministre l’imposition de mesures commerciales, comme le prévoit l’article 10 du Décret. Il est à noter que la recommandation visée à l’article 10 porte sur des mesures commerciales et non sur la mise en place d’une réparation efficace.
  6. Même si l’OCRE procédera à une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits, la médiation demeurera possible à n’importe quelle étape du processus de plainte, à la discrétion de l’OCRE et avec l’accord des parties. L’OCRE encourage les parties à envisager une médiation au cours de laquelle elles pourraient s’entendre sur les modalités de confidentialité relatives à toute information échangée.

Annexe-1

Les plaignants : une coalition de 28 organisations

  1. Canadians in Support of Refugees in Dire Need (CSRDN)
  2. Alliance Canada Hong Kong
  3. Anatolia Islamic Centre
  4. Canada Tibet Committee
  5. Canadians Against Oppression & Persecution
  6. Canadian Council of Muslim Women (CCMW)
  7. Canadian Council of Imams (CCI)
  8. Canada-Hong Kong Link
  9. Doctors for Humanity
  10. East Turkistan Association of Canada
  11. End Transplant Abuse in China (ETAC)
  12. Human Rights Research and Education Centre, University of Ottawa
  13. Human Concern International (HCI)
  14. Islamic Circle of North America Canada (ICNA)
  15. Islamic Society of North America (ISNA)
  16. Justice for All
  17. Lawyers for Humanity
  18. Muslim Association Canada (MAC)
  19. National Council of Canadian Muslims (NCCM)
  20. Raoul Wallenberg Centre for Human Rights
  21. Canadian Security Research Group
  22. Share 2 Care (S2C)
  23. Stop Uyghur Genocide Canada
  24. Toronto Association for Democracy in China
  25. Union of Medical care and Relief Organizations-Canada (UOSSM)
  26. Uyghur Refugee Relief Fund
  27. Uyghur Rights Advocacy Project
  28. Vancouver Society in Support of Democratic Movement
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