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Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations concernant les activités de Nike Canada Corp.

Numéro de dossier : 220849
Date de réception de la plainte : 2022-06-21
Date de publication du rapport : 2023-07-11

À propos de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises

L’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est un mécanisme de règlement des différends relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada. Les personnes peuvent déposer des plaintes auprès de l’OCRE concernant d’éventuelles atteintes aux droits de la personne résultant des activités des entreprises canadiennes des secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz à l’étranger.

Pour en savoir plus, consultez le site https://OCRE-ombuds.canada.ca/.

Quel est l’objectif de ce rapport?

L’OCRE rend compte de l’étape d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022, concernant les activités de Nike Canada Corp. 

Conformément à l’article 16 du décret de l’OCRE, les parties ont eu la possibilité de commenter les faits contenus dans le rapport. Un résumé des commentaires reçus figure à la partie 5 du rapport.

Qui sont les parties de la plainte ?

Les plaignants sont une coalition de 28 organisations de la société civile dont la liste figure à l’annexe 1.

Nike Canada Corp. est une entreprise canadienne de vêtements. Nike Canada Corp. a été constituée en vertu de la Nova Scotia Companies Act le 30 mai 2008 et son siège social est situé au 200, rue Wellington Ouest, à TorontoNote de bas de page 1.

Quel est l’objet de la plainte?

Les plaignants allèguent que Nike Canada Corp. entretient des relations d’approvisionnement avec plusieurs entreprises chinoises que l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) a identifiées comme des entreprises qui ont recours au travail forcé des Ouïghours ou qui en tirent profit. Ils affirment également que rien n’indique que Nike Canada Corp. ait pris des mesures concrètes pour s’assurer hors de tout doute raisonnable que le travail forcé ne fait pas partie de sa chaîne d’approvisionnement.

Selon la plainte, Nike Canada Corp. a des relations ou des liens de chaîne d’approvisionnement avec Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd, Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd, Esquel Textile Co. Ltd, Qingdao Jifa Group, Huafu Fashion Co. Ltd. et Texhong Textile Group. La plainte établit un lien entre toutes ces entreprises et le travail forcé des Ouïghours.

Pour étayer leurs allégations, les plaignants se réfèrent aux conclusions documentées dans le rapport de l’ASPI intitulé « Uyghurs for sale » (Ouïghours à vendre) concernant les entreprises énumérées ci-dessousNote de bas de page 2 :

Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd : Les plaignants affirment que Nike est le principal client de Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd. Ils affirment que l’usine emploie des travailleurs ouïghours qui suivent des cours le soir pour la « formation professionnelle » et « l’éducation patriotique ». En outre, les plaignants ont fourni des connaissements (provenant de Panjiva) qui indiquent que Nike Canada Corp. a importé au moins trois cargaisons de Qingdao Taekwang en juillet 2019.

Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd : Les plaignants allèguent que Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd. (HYP) fait de la publicité pour un partenariat avec Nike. Selon la plainte, HYP exporte des travailleurs ouïghours vers son siège social dans la province chinoise d’Anhui et les utilise dans son usine au Xinjiang. Les plaignants affirment que les travailleurs transférés au siège social de l’Anhui étaient tous « diplômés » de l’école professionnelle secondaire du comté de Jiashi, un établissement qui fonctionne comme un camp de « rééducation » pour les Ouïghours depuis 2017.

Esquel Textile Co. Ltd : Les plaignants font état d’un lien entre Nike et Esquel Textile Co. Ltd, un fabricant de textiles et de vêtements qui possède plusieurs usines dans le Xinjiang. Pour étayer cette allégation, les plaignants ont fourni des connaissements (provenant d’Import Genius) qui indiquent que Nike Canada Corp. a importé au Canada six cargaisons uniques en provenance d’Esquel en août 2020. Les plaignants soulignent le fait que cela s’est produit plusieurs mois après la déclaration de Nike dans laquelle elle a nié avoir une quelconque relation avec Esquel Textile Co. Ltd. Selon la plainte, Esquel Textile Co. Ltd. a été identifiée comme ayant recours au travail forcé des Ouïghours.

Qingdao Jifa Group : Les plaignants font état d’un lien entre Nike et Qingdao Jifa Group, un fabricant de vêtements identifié comme ayant recours au travail forcé des Ouïghours.

Pour étayer leurs allégations, les plaignants se reportent à un rapport de l’Université de Sheffield Hallam, « Laundering Cotton », concernant les entreprises énumérées ci-dessousNote de bas de page 3 :

Huafu Fashion Co. Ltd : Les plaignants font état d’un lien entre Nike et Huafu Fashion Co. Ltd. Selon la plainte, il existe des preuves que Huafu Fashion Co. Ltd. a recours au travail forcé des Ouïghours ou en tire profit. Les plaignants allèguent notamment que l’entreprise possède une filiale au Xinjiang, qu’elle achète du coton du Xinjiang, qu’elle participe à des transferts de main-d’œuvre parrainés par l’État et qu’elle coopère à des transferts de main-d’œuvre avec le Xinjiang Production and Construction Corps (XPCC).

Texhong Textile Group : Selon la plainte, il existe des preuves que le groupe Texhong Textile a recours au travail forcé des Ouïghours ou en tire profit. Les plaignants allèguent notamment que l’entreprise possède une filiale au Xinjiang, qu’elle achète du coton du Xinjiang, qu’elle participe à des transferts de main-d’œuvre parrainés par l’État et qu’elle achète du coton à la XPCC.

Les plaignants indiquent que, par lettre datée du 12 novembre 2021, ils ont demandé à Nike Canada Corp. de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne afin de s’assurer qu’ils ne tirent pas profit du travail forcé des Ouïghours. Selon la lettre, Nike a publié en mars 2020 une déclaration indiquant que Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd. a cessé d’embaucher de nouveaux employés originaires du Xinjiang après que des violations des droits de la personne ont été signalées en 2019. Toutefois, les plaignants affirment que cette déclaration est directement contredite par les conclusions du rapport de l’ASPI susmentionné. Dans cette même déclaration, Nike aurait nié avoir des relations avec HYP, Esquel et Qingdao Jifa, ce qui, selon les plaignants, est également contredit par le rapport de l’ASPI. Ils ont également demandé que l’entreprise « rompe ses relations » avec Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd, Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd, Esquel Textile Co. Ltd. et Qingdao Jifa Group, et qu’elle prenne « des mesures raisonnables pour s’assurer, au-delà de tout doute raisonnable, qu’aucun de ses matériaux ne provient du Xinjiang ». Selon les plaignants, Nike Canada Corp. n’a pas répondu à leur demande.

Partie 1 – Résumé de l’étape d’admission (ou de recevabilité)

  1. Le 20 juillet 2022, en fonction des renseignements fournis par les plaignants, l’ombudsman a décidé que la plainte était recevable conformément à l’article 6.1 des Procédures opérationnelles. Cela signifie que l’ombudsman a décidé que la plainte contenait suffisamment de renseignements pour que l’on puisse raisonnablement penser que chacun des trois critères d’admissibilité était satisfait. Les exigences minimales pour l’admissibilité ne sont pas élevées. Les critères d’admissibilité sont les suivants :
    • Le motif de la plainte est une atteinte présumée à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale;
    • Les allégations d’atteinte aux droits de la personne découlent des activités à l’étranger d’une entreprise canadienne dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz;
    • Le motif de la plainte aurait eu lieu après le 1er mai 2019 ou, s’il a eu lieu avant le 1er mai 2019, il se poursuit au moment de la plainte (article 5.7, Procédures opérationnelles).
  2. La décision de l’ombudsman a été communiquée aux plaignants le 27 juillet 2022.
  3. La décision de l’ombudsman a été communiquée à Nike Canada Corp. par courriel le 28 juillet 2022 avec une copie de la plainte. La plainte est alors passée à l’étape d’évaluation initiale du processus de plainte. Par la suite, l’OCRE a tenté à plusieurs reprises, sans succès, d’entrer en contact avec Nike Canada Corp. et de l’inviter à une réunion d’évaluation initiale en novembre 2022. Le 17 janvier 2023, l’OCRE a communiqué avec l’avocat de Nike Canada Corp. qui a indiqué que le retard dans la réponse était attribuable à des changements de personnel. Nike Canada Corp. a refusé de rencontrer l’OCRE pour une réunion d’évaluation initiale et a fourni une brève réponse à la plainte. La réponse est décrite au paragraphe 9.

Partie 2 – Évaluation initiale

Contexte

  1. L’évaluation initiale est le processus qui permet de décider de la suite à donner à une plainte recevable, et notamment de la manière de répondre aux objections éventuelles de l’intimé (l’entreprise citée dans la plainte). L’ombudsman ne prend pas de décision sur le bien-fondé de la plainte au cours de l’évaluation initiale.
  2. Les objectifs du processus d’évaluation initial sont les suivants :
    • Mieux comprendre les positions des parties concernant les allégations, y compris les objections éventuelles de l’intimé vis-à-vis de la plainte;
    • Commencer à cerner les besoins et les intérêts sous-jacents des parties;
    • Fournir des informations sur le rôle de l’OCRE et les différents processus de règlement des différends;
    • Collaborer avec les parties pour décider du processus de règlement des différends le mieux adapté aux questions soulevées par la plainte, y compris les allégations et les objections éventuelles de l’intimé.
  3. Au cours de l’évaluation initiale, l’ombudsman rencontre les parties pour connaître leur point de vue sur les allégations, répondre à leurs préoccupations et à leurs questions, et obtenir leur accord pour participer à un règlement rapide ou à une médiation. Si les parties n’acceptent pas de participer à un processus consensuel de règlement des différends, l’ombudsman décidera de la suite à donner à la plainte, y compris de l’ouverture d’une enquête.

Le processus d’évaluation initiale dans la présente plainte

  1. Les mesures prises par l’OCRE lors de l’évaluation initiale de cette plainte ont été les suivantes :
    1. Examen sur dossier de la plainte.
    2. Réunion virtuelle avec les représentants des plaignants le 18 novembre 2022.
    3. Réunion virtuelle avec l’avocat de Nike Canada Corp. le 19 janvier 2023. (Cette réunion n’était pas une réunion d’évaluation initiale. L’OCRE a répondu aux questions de l’avocat sur le processus de traitement des plaintes).
    4. Recherche documentaire sur les rapports universitaires et les déclarations des entreprises.

Ce que les plaignants ont rapporté à l’OCRE

  1. Au cours de la réunion d’évaluation initiale du 18 novembre 2022, les plaignants ont exprimé leur volonté de participer à une résolution rapide ou à une médiation, y compris en acceptant des conditions de confidentialité. Les plaignants sont disposés à travailler à une résolution systémique qui ne nomme pas Nike Canada Corp. et qui trouve des solutions pour aborder le recours possible au travail forcé des Ouïghours et qui aiderait les entreprises canadiennes de vêtements à faire preuve de diligence raisonnable appropriée en matière de droits de la personne dans ce contexte à haut risque. Les plaignants ont également indiqué que, compte tenu de la complexité de déterminer l’origine des textiles, en particulier de ceux provenant du Xinjiang, il est préférable que les entreprises de vêtements utilisent la technologie permettant de déterminer l’origine de la fibre textile pour cartographier leurs chaînes d’approvisionnement, de la fibre à la vente au détail.

Réponse de Nike Canada Corp. à la plainte

  1. Le 16 février 2023, Nike, Inc. (la société mère de Nike Canada Corp.) a répondu à la plainte et a refusé de participer à une réunion d’évaluation initiale avec l’OCRE. Nike, Inc. a exprimé son engagement en faveur d’une fabrication éthique et responsable et a orienté l’OCRE vers les déclarations suivantes :
    1. Réponse de Nike, Inc. au rapport de l’ASPI (en anglais seulement (PDF))
    2. Déclaration de Nike, Inc. sur le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne pour l’exercice 2022 (en anglais seulement)

    En fournissant les déclarations ci-dessus, Nike, Inc. soutient avoir pris en compte toutes les allégations devant être traitées. Le contenu des déclarations est résumé aux paragraphes 10 à 12.

  2. Dans sa réponse au rapport de l’ASPI, Nike Inc. a déclaré qu’elle ne s’approvisionnait pas en produits provenant du Xinjiang et qu’elle avait confirmé auprès de ses fournisseurs contractuels qu’ils n’utilisaient pas de textiles ou de fils filés provenant de la région. Elle a fait référence au Code of Conduct (en anglais seulement (PDF)) et aux Code Leadership Standards (en anglais seulement (PDF)) de Nike qui interdisent le travail forcé. Selon la déclaration, Nike fait preuve de « diligence raisonnable avec ses fournisseurs en Chine pour cerner et évaluer les risques éventuels de travail forcé liés à l’emploi d’Ouïghours ou d’autres minorités ethniques du Xinjiang dans d’autres parties de la Chine ». Elle a renforcé ses protocoles d’audit et n’a pas trouvé de preuves de l’emploi d’Ouïghours ou d’autres minorités ethniques du Xinjiang dans sa chaîne d’approvisionnement. En ce qui concerne les relations établies dans le rapport de l’ASPI, Nike nie avoir des relations avec trois des entreprises citées dans le rapport (Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd, Qingdao Jifa Group et Esquel Textile Co. Ltd.). En ce qui concerne la quatrième entreprise, Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd, la déclaration affirme que l’entreprise n’a plus d’employés originaires du Xinjiang sur son site. Enfin, la déclaration confirme que Nike travaille à mettre à l’essai des approches de traçabilité et souligne sa collaboration avec des groupes de travail multipartites et des associations de l’industrie.
  3. La déclaration de Nike, Inc. sur le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne pour l’exercice 2022 affirme l’engagement de Nike à soutenir les droits de la personne et à travailler avec des fournisseurs qui démontrent leur engagement à mobiliser leurs travailleurs, à leur offrir des conditions de travail sûres et à faire progresser la responsabilité environnementale. Nike divulgue les usines indépendantes et les fournisseurs de matériaux utilisés pour la fabrication des produits Nike dans Nike Manufacturing Map (en anglais seulement). Ses exigences à l’égard des fournisseurs sont énoncées dans son Code of Conduct (en anglais seulement (PDF)) et son Code Leadership Standards (en anglais seulement (PDF)). Le code de conduite définit les normes minimales que Nike attend de chaque usine ou établissement fournisseur pour la fabrication des produits Nike et comprend des exigences strictes en matière de travail forcé et de travail des enfants, d’heures supplémentaires excessives, de rémunération et de liberté d’association, entre autres exigences. Le Code Leadership Standards précise comment le code de conduite doit être mis en œuvre. En ce qui a trait à sa chaîne d’approvisionnement, Nike travaille à améliorer ses systèmes pour cartographier et gérer les risques, et renforce sa collaboration avec les fournisseurs de niveau 2.
  4. La déclaration de Nike, Inc. sur le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne pour l’exercice 2022 explique en outre que Nike vérifie régulièrement les usines sous contrat, y compris le risque de travail forcé. Nike a recours à des audits internes et externes réalisés par des tiers pour évaluer la conformité. Nike contrôle également les conditions de travail dans les usines des fournisseurs au moyen d’audits et d’évaluations réalisés par des organisations indépendantes, notamment la Fair Labor Organization et le Better Work Programme. En ce qui concerne les mesures correctives, Nike enquête sur les cas de non-respect de ses politiques, s’emploie à s’attaquer aux causes profondes et collabore avec les parties prenantes pour mettre en œuvre les mesures correctives. Nike offre une formation annuelle aux personnes directement responsables de la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Enfin, la déclaration aborde la collaboration de Nike avec des experts du secteur, des partenaires, des associations professionnelles, des parties prenantes et d’autres organisations.

Partie 3 – Comment traiter la plainte

  1. L’ombudsman doit décider de la suite à donner à la plainte. L’ombudsman peut décider de :
    1. clore le dossier – l’ombusdman peut décider de ne pas donner suite à la plainte et de fermer le dossier après avoir publié le présent rapport conformément au paragraphe 14(2) du décret;
    2. procéder à une médiation – l’ombudsman peut décider de procéder à une médiation si les deux parties sont d’accord;
    3. mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits – l’ombudsman peut décider d’enquêter sur la plainte sur la base d’une recherche indépendante des faits, conformément au paragraphe 7(b) du décret.
  2. Pour décider s’il y a lieu d’enquêter sur une plainte, l’ombudsman prend en considération le contexte général de la plainte et les facteurs pertinents, notamment si :
    1. la plainte est frivole ou vexatoire;
    2. les allégations contenues dans la plainte sont en cours d’examen ou ont été examinées par une autre instance;
    3. l’entreprise canadienne a déjà apporté une réponse ou une solution satisfaisante aux allégations contenues dans la plainte;
    4. les renseignements pertinents peuvent vraisemblablement être obtenus;
    5. un recours efficace est susceptible d’être disponible;
    6. une enquête est susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour le plaignant ou d’autres personnes.
  3. Pour déterminer si des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles, la coopération de l’entreprise canadienne citée dans une plainte n’est pas déterminante. L’OCRE peut prendre en considération la disponibilité des renseignements provenant de toutes les sources raisonnablement accessibles. De plus, dans tout rapport final, l’OCRE peut commenter l’impact de la coopération des parties sur la disponibilité des renseignements et d’autres aspects de l’enquête.
  4. Pour déterminer s’il existe un recours pratique ou efficace, l’ombudsman évalue la portée de l’enquête, c’est-à-dire les personnes concernées par l’enquête, les solutions possibles, ainsi que d’autres facteurs concurrents, notamment la capacité institutionnelle (ressources publiques) et l’opportunité et l’efficacité de l’ouverture d’une enquête publique.

Analyse

  1. À première vue, les allégations formulées par les plaignants soulèvent de graves questions concernant l’atteinte possible au droit internationalement reconnu d’être à l’abri du travail forcé, auquel il est fait référence dans les instruments suivants :
    1. Droit d’être libre de l’esclavage ou de la servitude (article 4, Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948);
    2. Droit au travail, au libre choix du travail, à des conditions de travail équitables et satisfaisantes (article 23, paragraphe 1, Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948; article 6.1, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966);
    3. Droit de ne pas être astreint à un travail forcé ou obligatoire (articles 1 et 2, Convention (no29) sur le travail forcé, 1930; alinéa 8 (3) (a), Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966; Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930);
    4. L’interdiction du travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition politique ou de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse. (Article 1, Convention (no105) sur l’abolition du travail forcé, 1957).
  2. La gravité des conséquences sur les droits de la personne de l’éventuel recours au travail forcé des Ouïghours est soulignée par le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme publié en août 2022. Le rapport constate que des restrictions considérables, arbitraires et discriminatoires des droits de la personne et des libertés fondamentales ont été imposées aux Ouïghours et à d’autres communautés majoritairement musulmanes vivant au Xinjiang « en violation des lois et des normes internationales » et appelle les États, les entreprises et la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre un terme à ces atteintes.
  3. Reconnaissant la gravité du recours possible au travail forcé des Ouïghours au Xinjiang, le gouvernement du Canada exige des entreprises canadiennes qui s’approvisionnent directement ou indirectement au Xinjiang ou auprès d’entités recourant à la main-d’œuvre ouïghoure, ou qui cherchent à entrer sur le marché du Xinjiang, qu’elles signent la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang avant de recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux (SDC). De plus, dans le cadre du budget de 2023, le gouvernement du Canada s’engage à réduire les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement et a annoncé son intention de renforcer l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement du Canada en déplaçant les chaînes d’approvisionnement essentielles des dictatures vers les démocraties.
  4. La plainte soulève des questions sur les activités de diligence raisonnable de Nike Canada Corp. Les principes 14 et 17 des principes directeurs des NU et les commentaires y afférant indiquent que la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, dans les zones à haut risque telles que la région du Xinjiang en Chine doit être adaptée en fonction de la nature et du contexte des activités de l’entreprise, des types de groupes vulnérables et de l’intensité et de la gravité des risques en matière de droits de la personne, et qu’une entreprise peut être amenée à adopter des mesures plus rigoureuses dans un contexte opérationnel à haut risque.
  5. De plus, les principes directeurs des NU fournissent des orientations sur la responsabilité des entreprises en matière de transparence de leurs activités de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Les entreprises dont les activités commerciales ou le contexte opérationnel présentent des risques d’incidences graves sur les droits de la personne sont tenues de présenter un rapport officiel sur la manière dont elles cernent et traitent ces incidences graves sur les droits de la personne (Principe 21 et son commentaire des principes directeurs des NU - PDF). Lorsque des préoccupations sont exprimées par ou au nom des parties prenantes concernées ou d’autres parties intéressées, les entreprises doivent fournir des informations suffisantes et veiller à ce que leurs rapports/communications soient accessibles aux publics visés.
  6. Comme indiqué ci-dessus, Nike, Inc. a fourni à l’OCRE une réponse à la plainte. Dans cette réponse, l’entreprise fait référence à une déclaration qu’elle a publiée en réponse au rapport de l’ASPI (« Uyghurs for Sale »). Comme il est indiqué ci-dessus, le rapport de l’ASPI prétend établir des relations entre Nike et quatre entreprises chinoises qui, selon elle, ont recours au travail forcé des Ouïghours ou en tirent profit. La déclaration de Nike affirme que « Nike ne s’approvisionne pas en produits provenant de la XUAR et [Nike a] confirmé auprès de [ses] fournisseurs contractuels qu’ils n’utilisent pas de textiles ou de fils filés provenant de la région ». Elle nie également que Nike ait des relations avec trois des entreprises citées dans le rapport de l’ASPI (Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd, Qingdao Jifa Group et Esquel Textile Co. Ltd.). En ce qui concerne la quatrième entreprise, Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd, la déclaration affirme que l’entreprise n’a plus d’employés originaires du Xinjiang sur son site.
  7. Compte tenu des informations contenues dans le rapport de l’ASPI et des connaissements qui relient Nike Canada Corp. aux usines que le rapport identifie comme ayant recours au travail forcé des Ouïghours, il semble qu’il y ait des contradictions dans les informations disponibles, ce qui pourrait justifier l’ouverture d’une enquête. Bien que Nike note que les connaissements mentionnés dans la plainte font état d’expéditions à partir d’une usine Esquel au Viêt Nam et que les plaignants n’ont pas allégué le recours au travail forcé dans cette usine, la nature complexe des chaînes d’approvisionnement en vêtements peut justifier une enquête sur la relation entre Nike et Esquel. Une enquête peut, par exemple, porter sur l’existence de procédures de diligence raisonnable adoptées par Nike pour s’assurer que ses produits ne sont pas fabriqués en ayant recours au travail forcé des Ouïghours. Bien que Nike ait fourni sa réponse au rapport de l’ASPI et sa déclaration sur le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne, elle n’a fourni que peu de détails sur la nature et la portée de sa diligence raisonnable en matière de droits de la personne, notamment sur l’utilisation ou non de la technologie pour déterminer l’origine des fibres. De plus amples informations sont nécessaires pour déterminer si la diligence raisonnable en matière de droits de la personne de Nike est conforme à la diligence raisonnable rigoureuse requise dans un contexte à haut risque comme le Xinjiang. De plus, Nike Canada Corp. n’a pas répondu à la lettre du 12 novembre 2021 envoyée par les plaignants.
  8. Si l’ombudsman décide d’enquêter sur la plainte, Nike Canada Corp. aura la possibilité de répondre et de participer, notamment en fournissant des informations supplémentaires sur ses activités de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
  9. Compte tenu du contexte plus large de la plainte et des difficultés à recueillir des informations dans le pays, la recherche indépendante des faits peut être limitée. La disponibilité des informations devra être évaluée à mesure que l’enquête progresse et sera prise en compte dans tout rapport final.
  10. La plainte ne nomme pas des personnes et ne les rend pas identifiables, ce qui réduit la possibilité qu’une enquête augmente le risque pour les personnes. Si l’ombudsman décide d’enquêter sur la plainte, une évaluation des risques sera effectuée tout au long de l’enquête.

Partie 4 – Participation au processus de plainte

  1. Comme indiqué ci-dessus, Nike Canada Corp. a répondu à la plainte. Nike Canada Corp. a refusé de rencontrer l’OCRE pour une réunion d’évaluation initiale, estimant que toutes les allégations avaient été traitées dans les déclarations auxquelles elle faisait référence. À la suite de son refus, Nike Canada Corp. a reçu une copie de cette ébauche de rapport d’évaluation initiale pour commentaires. À ce moment-là, Nike Canada Corp. a communiqué avec l’OCRE pour demander une réunion d’évaluation initiale et la possibilité de présenter des observations écrites. Afin de respecter le calendrier indicatif pour l’achèvement du processus d’évaluation initiale, l’OCRE a décliné la demande. L’OCRE a noté que si l’ombudsman décide de donner suite à la plainte, Nike Canada Corp. aura la possibilité de participer pleinement au processus de plainte avant qu’une décision ne soit prise concernant le bien-fondé de la plainte ou qu’un règlement de la plainte ne soit conclu.
  2. Les Procédures opérationnelles de l’OCRE prévoient que la participation pleine et active au processus de plainte fait partie de la bonne foi :

    L’article 11.1 exige que les parties participent pleinement au processus de plainte, notamment en fournissant à l’ombudsman les renseignements et les documents pertinents, en mettant les témoins à disposition dans un délai raisonnable, selon les délais établis par l’ombudsman.

    L’article 11.2 prévoit que si une entreprise canadienne ne participe pas activement au processus de plainte, y compris en refusant de fournir des renseignements et des documents pertinents, l’ombudsman pourrait tirer les conclusions négatives ou défavorables qui conviennent durant la recherche des faits.

    L’article 12.4 prévoit que l’ombudsman peut considérer qu’une partie n’agit pas de bonne foi si elle ne participe pas activement à un examen sans explication raisonnable.

Partie 5 – Commentaires des parties

Commentaires des plaignants

  1. Les plaignants ont fait part de leurs observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Les plaignants affirment que l’OCRE devrait procéder à un examen en s’appuyant sur une recherche indépendante des faits. Pour étayer leur affirmation, les plaignants appliquent les facteurs énoncés au paragraphe 14. Tout d’abord, les plaignants affirment que la plainte n’est pas insignifiante ni frivole, en soutenant que les « contradictions dans les informations disponibles » (paragraphe 23) justifie un examen. Les plaignants réitèrent les preuves fournies dans la plainte, notamment par l’ASPI et les recherches de Laura Murphy. Ils mettent également en évidence les connaissements qui indiquent que Nike Canada Corp. a importé au Canada des cargaisons en provenance d’Esquel et de Qingdao Taekwang. Les plaignants affirment qu’aucune des déclarations de Nike n’aborde de manière satisfaisante le recours au travail forcé et que son affirmation selon laquelle Qingdao Taekwang a cessé d’embaucher de nouveaux employés originaires du Xinjiang est directement contredite par les conclusions de l’ASPI.
  2. Deuxièmement, les plaignants notent que la plainte n’est pas examinée dans une autre instance et qu’elle ne l’a pas été dans le passé.
  3. Troisièmement, les plaignants affirment que Nike Canada Corp. n’a pas apporté de réponse ou de solution satisfaisante aux allégations contenues dans la plainte. Ils notent que Nike Canada Corp. a refusé de rencontrer l’OCRE pour une première réunion d’évaluation et a orienté l’OCRE vers les déclarations existantes de l’entreprise. Ils notent également que Nike Canada Corp. n’a pas répondu aux communications des plaignants.
  4. Quatrièmement, les plaignants font valoir que des renseignements pertinents sont probablement disponibles dans le domaine public, notamment par l’intermédiaire de l’ASPI et de Laura Murphy. Ils notent en outre que si l’OCRE devait clore le dossier, cela inciterait les entreprises canadiennes à ne plus coopérer avec l’OCRE à l’avenir.
  5. Cinquièmement, les plaignants font remarquer que la réalisation d’un examen n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour le plaignant ou d’autres personnes.

Commentaires de Nike Canada Corp. (“Nike”)

  1. Nike a fait part de ses commentaires sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Nike s’est montré reconnaissante d’avoir eu l’occasion de répondre à l’ébauche du rapport. Nike n’est pas d’accord avec la suggestion contenue dans l’ébauche du rapport selon laquelle Nike ne s’est pas engagée de bonne foi avec l’OCRE. L’entreprise a expliqué qu’elle n’a reçu la plainte qu’en janvier 2023, date à laquelle elle a pris des mesures immédiates pour évaluer la plainte, qui est fondée sur des allégations formulées dans un rapport de l’ASPI, auquel Nike a déjà répondu. Par conséquent, Nike a expliqué avoir publié sa réponse et n’avoir pas accepté l’invitation de l’OCRE à participer à une réunion d’évaluation initiale « en croyant sincèrement et de bonne foi que sa réponse initiale, combinée à ses réponses antérieures aux mêmes allégations substantielles du rapport de l’ASPI, serait suffisante ». Nike a également expliqué qu’après avoir compris que l’OCRE souhaitait communiquer davantage sur ces questions, elle a cherché à organiser une réunion avec un membre supérieur de son équipe responsable de la chaîne d’approvisionnement pour discuter de la manière dont l’entreprise met en œuvre son engagement en faveur des droits de la personne et des droits du travail et pour discuter des allégations contenues dans la plainte. Nike a compris, lors d’une conférence téléphonique avec l’OCRE le 20 avril 2023, qu’une réunion de suivi et une prolongation pour fournir une soumission seraient les bienvenues, mais cette demande a par la suite été refusée par l’OCRE.
  2. Nike a exprimé son engagement en faveur d’une fabrication éthique et responsable et des droits de la personne. Le comité du conseil d’administration de Nike chargé de la responsabilité d’entreprise, du développement durable et de la gouvernance examine et évalue les stratégies et politiques de développement durable de l’entreprise et supervise les efforts de la direction pour s’assurer que l’engagement de l’entreprise en faveur des droits de la personne se reflète dans les activités. Nike a expliqué qu’elle s’attend à ce que ses fournisseurs respectent les droits de la personne et qu’elle se concentre donc sur la collaboration avec des fournisseurs stratégiques à long terme qui démontrent un engagement à mobiliser leurs travailleurs, à fournir des conditions de travail sécuritaires, à promouvoir la responsabilité environnementale et à lutter contre les risques de travail forcé. Nike divulgue de l’information sur les usines indépendantes et les fournisseurs de matériaux utilisés pour fabriquer les produits Nike dans une carte de fabrication Nike accessible au public.
  3. Nike a expliqué que ses exigences à l’égard des fournisseurs sont contenues dans son code de conduite et ses normes de leadership, qui comprennent des exigences rigoureuses concernant le travail forcé et le travail des enfants. Nike exige de ses fournisseurs de produits finis qu’ils s’approvisionnent auprès de fournisseurs qui respectent la liste des substances réglementées de Nike, le code de conduite de Nike et les normes de traçabilité de Nike. Bien que Nike ne s’approvisionne pas directement en matières premières, elle a expliqué qu’elle s’engageait activement auprès de sa chaîne d’approvisionnement élargie afin de déterminer la source des matériaux. Les efforts de Nike en matière de traçabilité comprennent, entre autres, l’utilisation de plusieurs outils et technologies de vérification afin de tester l’exactitude de sa cartographie, y compris la technologie de détermination de l’origine des fibres.
  4. Nike a expliqué qu’elle avait accordé la priorité au travail sur les risques de travail forcé dans sa chaîne d’approvisionnement en se concentrant sur les fournisseurs employant des travailleurs migrants étrangers. Nike utilise le CUMULUS Forced Labor ScreenTM. Nike a expliqué qu’elle procédait également à des audits réguliers des usines sous contrat, afin d’évaluer les risques de travail forcé. L’entreprise a recours à des audits internes et externes réalisés par des tiers pour évaluer le respect de ses exigences et des lois locales. Nike a expliqué qu’elle avait étendu la surveillance à la chaîne d’approvisionnement en matériaux et aux fournisseurs de services logistiques, et qu’elle avait mis en place d’autres audits de diligence raisonnable pour mieux évaluer et atténuer le travail forcé dans les pays et les populations à haut risque. Pour faire face aux risques liés aux droits de la personne, Nike collabore avec des groupes de travail multipartites afin d’évaluer des solutions collectives. L’entreprise est membre de plusieurs groupes de travail et initiatives.
  5. En ce qui concerne la plainte, Nike a répondu comme suit aux allégations :
    1. Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd : Nike affirme qu’un audit réalisé par une tierce partie indépendante plus tard en 2020 n’a trouvé aucun employé du Xinjiang à l’installation de Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd.
    2. Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd : Nike a enquêté sur l’allégation de « partenariat stratégique » avec Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd. et n’a trouvé aucune relation avec l’entreprise.
    3. Qingdao Jifa Group : Nike a enquêté sur l’allégation d’un lien avec Qingdao Jifa Group et a confirmé qu’elle n’avait aucune relation avec l’entreprise.
    4. Esquel : Nike a confirmé qu’elle n’avait aucune relation avec les installations de Esquel mentionnées dans le rapport de l’ASPI, Changji Esquel Textile, ni avec aucune autre installation d’Esquel au Xinjiang. Nike a expliqué que les connaissements mentionnés dans la plainte documentent les expéditions d’une installation d’Esquel au Viêt Nam vers Nike Canada. Nike fait remarquer que les plaignants n’ont pas allégué le recours au travail forcé dans l’usine au Viêt Nam. Nike a également indiqué qu’elle ne s’approvisionnait plus auprès d’Esquel, pas plus qu’aucun de ses fournisseurs de produits finis.
    5. Étude de l’Université de Sheffield Hallam : Nike affirme que les plaignants ont mal interprété l’étude de Sheffield et explique que les auteurs de l’étude déclarent clairement qu’ils « ne peuvent pas affirmer avec certitude qu’une marque particulière reçoit des produits fabriqués à partir de coton du Xinjiang » et que l’examen des expéditions illustre des « itinéraires possibles ».

Partie 6 – Décision de l’ombudsman

  1. La participation pleine et active des deux parties est essentielle pour aller de l’avant avec la médiation ou la recherche conjointe des faits. Les plaignants ont indiqué qu’ils étaient ouverts à toutes les options de règlement des différends. Nike Canada Corp. a indiqué qu’elle se réjouissait de l’occasion d’une collaboration et d’un dialogue continus, mais n’a pas confirmé son intention de participer à la médiation pour le moment. Par conséquent, il semble que la médiation ne soit pas une option viable à l’heure actuelle. Nike a toutefois précisé qu’elle pouvait choisir de participer à tout moment au processus.
  2. Afin de répondre aux allégations soulevées dans la plainte, l’ombudsman a décidé de lancer une enquête au moyen d’une recherche indépendante des faits. Pour rendre sa décision, l’ombudsman a tenu compte des facteurs mentionnés au paragraphe 14 du présent rapport.
    1. À première vue, la plainte soulève de graves allégations concernant une éventuelle atteinte au droit international de la personne d’être à l’abri du travail forcé. Le fait de clore le dossier avant de mener une enquête empêcherait l’ombudsman d’examiner tous les processus à sa disposition pour remplir son mandat de promotion des droits de la personne et de prévention des atteintes à ces droits;
    2. La plainte n’est pas en cours d’examen ou n’a pas été examinée dans une autre instance;
    3. Nike Canada Corp. n’a pas fourni de réponse satisfaisante à toutes les allégations contenues dans la plainte. En particulier, les informations disponibles sont contradictoires en ce qui concerne l’affirmation de Nike selon laquelle Qingdao Taekwang a cessé d’embaucher de nouveaux employés originaires du Xinjiang après que des violations des droits de la personne ont été signalées en 2019. Comme le notent les plaignants, cette affirmation est directement contredite par les conclusions de l’ASPI. En ce qui concerne Haoyuanpeng Clothing Manufacturing Co. Ltd. et Qingdao Jifa Group, il n’existe pas d’éléments de preuve suffisants pour confirmer ou rejeter les allégations à ce stade. En ce qui concerne Huafu Fashion Co. Ltd. et Texhong Textile Group, Nike a noté que les auteurs de l’étude de l’Université de Sheffield Hallam ont précisé qu’ils « ne peuvent pas affirmer avec certitude qu’une marque particulière reçoit des produits fabriqués à partir de coton du Xinjiang ». Malgré cette mise en garde, le rapport identifie un risque lié à la chaîne d’approvisionnement en aval pour Nike Canada Corp. qui justifie une enquête.
    4. Enfin, en ce qui concerne Esquel, dans ses commentaires sur l’ébauche du rapport, Nike a confirmé qu’elle n’avait pas de relation avec l’installation d’Esquel mentionnée dans la plainte et a noté que les connaissements mentionnés dans la plainte documentent les expéditions d’une installation d’Esquel au Viêt Nam vers Nike Canada Corp. Les plaignants n’ont pas allégué le recours au travail forcé dans cette installation. Bien qu’aucun lien n’ait pas encore été établi, compte tenu de la nature complexe de la chaîne d’approvisionnement en coton, l’installation d’Esquel au Viêt Nam pourrait avoir utilisé du coton provenant du Xinjiang. Le lien entre Esquel et le Xinjiang établi par le rapport de l’ASPI accroît ce risque. Compte tenu du contexte à haut risque, il est nécessaire de renforcer la diligence raisonnable en matière de droits de la personne afin de cerner, de prévenir et d’atténuer les risques liés aux droits de la personne dans le cadre des activités de Nike. À cet égard, Nike Canada Corp. n’a pas apporté de réponse ou de solution satisfaisante aux allégations contenues dans la plainte et n’a pas non plus démontré de manière satisfaisante qu’elle faisait preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
    5. L’ombudsman peut demander l’aide d’experts pour effectuer des recherches adaptées au contexte. Étant donné la difficulté d’obtenir des informations du Xinjiang, les informations pertinentes peuvent être limitées.
    6. Il est peu probable qu’une enquête entraîne un risque inacceptable pour le plaignant et d’autres personnes.
    7. Au cours de l’enquête, Nike Canada Corp. aura la possibilité de fournir d’autres informations pertinentes, notamment en ce qui concerne les résultats de son audit de l’installation de Qingdao Taekwang Shoes Co. Ltd.
  3. Bien que l’OCRE procède à une enquête au moyen d’une recherche indépendante des faits, une médiation est possible à n’importe quelle étape du processus de plainte, à la discrétion de l’ombudsman et avec l’accord des parties.

Annexe-1

Plaignants : une coalition de 28 organisations

  1. Canadians in support of refugees in dire Need (CSRDN)
  2. Alliance Canada Hong Kong
  3. Anatolia Islamic Centre
  4. Comité Canada Tibet
  5. Canadians Against Oppression & Persecution
  6. Conseil canadien des femmes musulmanes (CCFM)
  7. Conseil canadien des imams (CCI)
  8. Canada-Hong Kong Link
  9. Doctors for Humanity
  10. East Turkistan Association of Canada
  11. End Transplant Abuse in China (ETAC)
  12. Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne, Université d’Ottawa
  13. Human Concern International (HCI)
  14. Islamic Cercle of North America Canada (ICNA)
  15. Islamic Society of North America (ISNA)
  16. Justice for All
  17. Lawyers for Humanity
  18. Association musulmane du Canada (AMC)
  19. Conseil national des musulmans canadiens (CNMC)
  20. Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne
  21. Canadian Security Research Gro
  22. Share 2 Care (S2C)
  23. Stop Uyghur Genocide Canada
  24. Toronto Association for Democracy in China
  25. Union of Medical care and Relief Organizations-Canada (UOSSM)
  26. Uyghur Refugee Relief Fund
  27. Projet de défense des droits des Ouïghours
  28. Vancouver Society in Support of Democratic Movement
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