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Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Ralph Lauren Canada LP (RLCLP)

Numéro de dossier : 220850
Date de réception de la plainte : 21 juin 2022
Date de publication du rapport : 15 août 2023

À propos de l’OCRE

Le bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est un mécanisme de règlement des différends relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada. Toute personne peut déposer des plaintes auprès de l’OCRE concernant d’éventuelles atteintes aux droits de la personne résultant des activités des entreprises canadiennes à l’étranger dans les secteurs du vêtement, minier ou pétrolier et gazier.

Pour plus de plus amples renseignements, consultez le site du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.

Quel est l’objectif de ce rapport ?

Dans ce rapport, l’OCRE présente l’information relative à l’étape d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Ralph Lauren Canada LP (RLCLP).

Conformément à l’article 16 du Décret ayant établi le poste d’OCRE, les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur les faits contenus dans le rapport. La partie 5 du rapport renferme un résumé de ces observations.

Qui sont les parties concernées par la plainte ?

Les plaignants sont une coalition de 28 organisations canadiennes dont la liste figure à l’annexe 1.

RLCLP est une société en commandite ayant été enregistrée en Ontario le 5 avril 2011 et dont le bureau principal était établi à Toronto, en Ontario, qui est devenue inactive le 4 avril 2022Note de bas de page 1.

Quel est l’objet de la plainte ?

Selon la plainte, RLCLP entretient des relations d’approvisionnement avec des entreprises qui ont recours au travail forcé des Ouïghours ou qui en tirent profit. Certains des renseignements fournis et des rapports mentionnés dans la plainte font référence à « Ralph Lauren », mais sans préciser s’il s’agit de la société mère américaine Ralph Lauren Corporation (RLC), de RLCLP ou de Ralph Lauren en tant que marque ou détaillant international. Toutefois, la plainte indique expressément que RLCLP aurait recours au travail forcé ou tirerait profit de celui-ci dans sa chaîne d’approvisionnement. En outre, les connaissements soumis à l’appui des allégations désignent précisément RLCLP comme le destinataire des envois d’une société chinoise, Esquel Textile Co. Ltée (Esquel), qui, d’après le rapport Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), a recours au travail forcé des Ouïghours ou en tire profit.

Les plaignants citent également le rapport Uyghurs for Sale de l’ASPI, qui désigne Youngor Textile Holdings Co. Ltée (Younger), Jiangsu Guotai Guosheng (Jiangsu) et Esquel comme des usines de la chaîne d’approvisionnement de Ralph Lauren où des Ouïghours travailleraient « dans des conditions qui indiquent fortement un recours au travail forcéNote de bas de page 2 » [traduction]. Tout en alléguant que toutes ces sociétés sont liées à Ralph Lauren, la plainte ne précise pas qui est impliqué — Ralph Lauren ou RLCLP.

Cependant, comme il a été mentionné ci-dessus, en ce qui concerne Esquel, les plaignants ont soumis des connaissements (d’Import Genius) qui indiquent que RLCLP a importé vingt-six (26) chargements distincts au Canada expédiés par Esquel entre août 2020 et mars 2021. En fonction des dates des connaissements, les plaignants soutiennent que RLCLP a continué d’importer des marchandises d’Esquel après que Ralph Lauren a publié, le 30 juillet 2020, une déclaration dans laquelle la société affirmait ne pas s’approvisionner en fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang. Cette « déclaration sur le Xinjiang » semble avoir été publiée par la société mère américaine RLC en réponse au rapport Uyghurs for Sale de l’ASPI. On peut y lire : « Ralph Lauren ne s’approvisionne pas en fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang. Nos fournisseurs n’ont pas le droit d’utiliser du coton cultivé dans la région du Xinjiang, et nous travaillons avec nos partenaires et d’autres marques pour trouver une solution efficace pour assurer la traçabilité des matières premières et la vérification de la provenance de la fibre afin de garantir que les matières que nous utilisons dans nos produits proviennent d’une source responsable » [traduction]. Les plaignants affirment que les conclusions du rapport de l’ASPI et les connaissements joints à la plainte contredisent directement la déclaration de Ralph Lauren (sans préciser de quelle entité il s’agit) concernant ses prétendues pratiques d’approvisionnement au Xinjiang.

Pour étayer leurs allégations, les plaignants se réfèrent au rapport Laundering Cotton (en anglais seulement), concernant le lien entre Ralph Lauren (sans préciser de quelle entité il s’agit) et des entreprises chinoises associées au travail forcé des Ouïghours, à savoir Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltd (Jiangsu), Huafu Fashion Co. Ltée (Huafa), Luthai Textile Co. Ltée (Luthai) et Texhong Textile Group (Texhong) LtdNote de bas de page 3. Selon la plainte, le rapport Laundering Cotton fournit des preuves que ces quatre entreprises ont recours au travail forcé des Ouïghours ou qu’elles en tirent profit en établissant des filiales dans la région ouïghoure, en achetant du coton du Xinjiang en passant par des intermédiaires ou en participant ou en collaborant à des programmes de transfert de main-d’œuvre assujettie au travail forcé. En retraçant les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, le rapport Laundering Cotton indique que ces entreprises fournissent à Ralph Lauren du coton provenant du Xinjiang par le biais de fabricants intermédiaires dans la chaîne d’approvisionnement de Ralph Lauren.

Les plaignants font aussi référence au rapport Built on Repression (en anglais seulement) sur les atteintes aux droits de la personne et à l’environnement commises dans la région ouïghoure, rapport qui indique que l’entreprise appartenant à l’État Xinjiang Zhongtai Group, qui « participe activement aux programmes de transfert de main-d’œuvre parrainés par l’État » [traduction], fabrique du coton et des fils synthétiques qui sont ensuite fournis, par l’intermédiaire d’une filiale, à de nombreux détaillants ou marques d’envergure internationale, y compris Ralph LaurenNote de bas de page 4.

Les plaignants affirment que Ralph Lauren n’a pas cherché à résoudre la question de l’obtention d’intrants issus du travail forcé au début de la chaîne d’approvisionnement. Ils mentionnent les données ou informations suivantes concernant le recours généralisé au travail forcé des Ouïghours dans les champs de coton et la prédominance du coton du Xinjiang dans la production mondiale de vêtements et affirment que le fait de s’approvisionner n’importe où en Chine implique « inévitablement » le recours au travail forcé des Ouïghours dans la chaîne d’approvisionnement :

  1. Un vêtement en coton sur cinq sur le marché mondial du vêtement est entaché par le travail forcé des Ouïghours.
  2. Environ 19 % de la production mondiale de coton vient du Xinjiang (Turkestan oriental).
  3. En 2019, il y avait au Xinjiang 3 500 usines de coton, de textile et de vêtements dans lesquelles des Ouïghours étaient utilisés comme travailleurs forcés.
  4. Environ deux millions de travailleurs ouïghours ont été placés par la contrainte dans des programmes de transfert forcé de la main-d’œuvre parrainés par l’État dans neuf provinces chinoises.
  5. La stratégie d’exportation de la Chine masque l’origine du coton du Xinjiang en organisant le transport du coton, des fils et des textiles à base de coton et des vêtements semi-finis vers 53 fabricants intermédiaires dans des pays tiers, qui approvisionnent à leur tour 103 détaillants ou marques d’envergure internationale.

Les plaignants indiquent que, dans leur lettre datée du 12 novembre 2021, ils ont demandé au directeur principal de Ralph Lauren pour le Canada de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne afin de s’assurer que l’entreprise ne profite pas du travail forcé des Ouïghours. Ils ont également demandé à Ralph Lauren Canada de « rompre ses relations » avec Youngor, Jiangsu et Esquel. Les plaignants affirment qu’ils n’ont pas reçu de réponse à leur demande ni d’explication sur la manière dont Ralph Lauren exerce une diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Même si dans leur lettre datée du 12 novembre 2021, les plaignants désignent Ralph Lauren, Ralph Lauren Canada et RLCLP, la plainte précise que les plaignants ont demandé à RLCLP d’exercer comme il se doit une diligence raisonnable en matière de droits de la personne et de s’assurer que sa chaîne d’approvisionnement est exempte de travail forcé.

Partie 1 — Résumé de l’étape d’admission (ou d’admissibilité)

  1. Le 20 juillet 2022, sur la base des informations fournies par les plaignants, l’OCRE a conclu que la plainte était recevable en vertu de l’article 6.1 de ses Procédures opérationnelles. Cela signifie que l’OCRE estime que les renseignements fournis par les plaignants étaient suffisants pour conclure de façon raisonnable que chacun des trois critères de recevabilité applicables était respecté. Il y a peu de conditions à remplir pour qu’une plainte puisse être jugée recevable. Les critères utilisés pour déterminer la recevabilité d’une plainte sont les suivants :
    • Le motif de la plainte est une atteinte présumée à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale.
    • Les allégations d’atteinte aux droits de la personne découlent des activités à l’étranger d’une entreprise canadienne dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz.
    • Le motif de la plainte aurait eu lieu après le 1er mai 2019 ou, s’il a eu lieu avant le 1er mai 2019, il se poursuit au moment de la plainte (article 5.7 des Procédures opérationnelles).
  2. La décision de l’OCRE a été communiquée aux plaignants le 27 juillet 2022.
  3. RLCLP a été avisée de la plainte à son endroit le 28 juillet et le 3 août 2022. Afin de pouvoir transmettre la plainte à l’entreprise, l’OCRE a demandé à RLCLP de lui communiquer ses politiques en matière de protection des données et de conservation des documents. Le 10 août 2022, la société mère américaine Ralph Lauren Corporation (RLC) a répondu en fournissant ses politiques de protection des données et de conservation des documents, ainsi que ses procédures internes de traitement des plaintes et a demandé une copie de la plainte. RLC a également formulé des objections concernant la compétence, qui sont décrites au paragraphe 11. Le 29 septembre, une copie de la plainte a été envoyée à RLC.
  4. Le 17 octobre 2022, un courriel a été envoyé à RLCLP pour l’inviter à participer à la réunion d’évaluation initiale. Cette réunion marquait le passage de l’étape de la réception à celle de l’évaluation initiale dans le processus de plainte. Le 28 novembre 2022, l’avocat de la société mère américaine RLC a répondu à la plainte, expliqué les politiques et stratégies d’approvisionnement responsable de Ralph Lauren et Ralph Lauren Canada et refusé de participer à la procédure d’évaluation initiale.

Partie 2 — Évaluation initiale

Renseignements généraux

  1. L’évaluation initiale est le processus consistant à déterminer la suite à donner dans le cas d’une plainte recevable, et notamment la façon de répondre aux objections éventuelles du défendeur (l’entreprise citée dans la plainte). L’OCRE ne prend pas de décision sur le bien‑fondé de la plainte à l’étape de l’évaluation initiale.
  2. Les objectifs du processus d’évaluation initiale sont les suivants :
    • Mieux comprendre les positions des parties en ce qui concerne les allégations, y compris les objections éventuelles du défendeur.
    • Commencer à cerner les besoins et les intérêts sous-jacents des parties.
    • Fournir des renseignements sur le rôle de l’OCRE et les différentes procédures de règlement des litiges.
    • Collaborer avec les parties pour déterminer la procédure de règlement des litiges la mieux adaptée pour résoudre les questions soulevées par la plainte, y compris les allégations et les objections éventuelles du défendeur.
  3. Au cours de l’évaluation initiale, l’OCRE rencontre les parties pour connaître leur point de vue sur les allégations, répondre à leurs préoccupations et questions et solliciter leur consentement à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation. Si les parties refusent de participer à un mécanisme consensuel de règlement des litiges, l’OCRE décide de la suite à donner à la plainte, ce qui peut comprendre l’ouverture d’une enquête.

La procédure d’évaluation initiale dans le cadre de la présente plainte

  1. Durant l’évaluation initiale de cette plainte, l’OCRE a pris les mesures suivantes :
    1. Examen documentaire de la plainte.
    2. Réunion virtuelle avec les représentants des plaignants le 18 novembre 2022.
    3. Examen des réponses de la société mère américaine RLC fournies dans des lettres, dont l’une est datée du 9 août (reçue par courriel le 10 août) et l’autre, du 28 novembre 2022.
    4. Recherche documentaire sur le statut de RLCLP.

Ce que les plaignants ont rapporté à l’OCRE

  1. Lors de la réunion d’évaluation initiale du 18 novembre 2022, les plaignants se sont dits disposés à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation et ont accepté de signer un accord de confidentialité. Les plaignants sont prêts à envisager un règlement général dans lequel l’identité de RLCLP serait gardée confidentielle et qui procurerait des solutions pour remédier à tout recours au travail forcé des Ouïghours et pour aider les entreprises canadiennes du secteur du vêtement à exercer comme il se doit une diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans ce contexte à risque élevé.
  2. Les plaignants ont aussi indiqué que, compte tenu de la difficulté à retracer l’origine des textiles, en particulier dans la région du Xinjiang, il était préférable d’utiliser une technologie de traçage de l’origine des fibres qui permette de répertorier la chaîne d’approvisionnement, de la fibre jusqu’à la vente au détail. Mentionnant plus précisément la technologie d’Oritain, ils ont indiqué avoir compris qu’en utilisant une technologie de traçage, un détaillant ou un importateur de vêtements peut s’assurer que ses produits importés n’utilisent pas de coton provenant de la région du Xinjiang.

Réponse de la société mère américaine RLC à la plainte

  1. Dans un courriel envoyé le 10 août 2022, un représentant de la société mère américaine RLC a formulé une objection concernant la compétence. RLC a affirmé que son siège aux États-Unis supervise les activités à l’étranger et que Ralph Lauren Canada Corporation (RLCC), filiale de RLC, n’est pas responsable de la prise de décisions ou de la supervision des activités à l’étranger. Par conséquent, l’OCRE n’a pas compétence sur la question. Il convient de noter que dans sa réponse, la société mère américaine RLC a fait référence à sa filiale RLCC et n’a pas mentionné RLCLP. RLCC est une société canadienne de vêtements qui a été constituée au titre de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse le 17 mai 2021 et dont le siège social est situé au 1741 Lower Water Street, Halifax, Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 5.
  2. Le 28 novembre 2022, l’avocat de la société mère américaine RLC a répondu à la plainte au nom de la société mère américaine RLC et de Ralph Lauren Canada et a décliné l’invitation à participer à une réunion d’évaluation initiale avec l’OCRE. L’avocat a fait référence à Ralph Lauren Canada sans préciser s’il s’agissait de RLCC ou de RLCLP.
  3. L’avocat de la société mère américaine RLC a fourni les liens suivants pour communiquer des informations sur les stratégies et les engagements de Ralph Lauren en matière d’approvisionnement responsable : 2022 Global Citizenship & Sustainability Report, Human Rights Policy (en anglais seulement) et Human Rights Disclosure (PDF, en anglais seulement).
  4. En se référant aux politiques et stratégies sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne, l’avocat a mentionné Ralph Lauren (RL), probablement comme une marque ou un détaillant international, et a fait référence aux politiques ou stratégies suivantes :
    1. Engagement public de RL envers les normes internationales : RL mène ses activités à l’échelle mondiale dans le respect des Principes directeurs des Nations Unies, des droits internationaux de la personne, des droits des travailleurs et de la durabilité environnementale.Politique de RL sur le travail forcé : RL ne tolère pas le travail forcé, ne s’approvisionne pas en fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang, interdit à ses fournisseurs d’utiliser du coton cultivé au Xinjiang et se conforme aux lois et règlements en vigueur partout où elle mène des activités.
    2. Efforts accrus de RL pour exercer une diligence raisonnable dans le domaine des droits de la personne : RL surveille régulièrement sa chaîne d’approvisionnement pour détecter les risques de travail forcé, fait réaliser des audits par des tiers, établit des plans de traçabilité pour sa chaîne d’approvisionnement, procède à des analyses de la transparence pour toutes ses matières premières et a aussi commencé à élargir l’utilisation de la technologie Oritain de traçabilité des matières premières et de l’origine des fibres pour certifier le pays d’origine de ses échantillons de produits.
    3. Consultation par RL des associations sectorielles pour se tenir au courant des pratiques exemplaires et des solutions favorisant la transparence de la chaîne d’approvisionnement.
    4. Stratégies à long terme de RL : RL continue de diversifier ses sources d’approvisionnement. En outre, en collaboration avec d’autres intervenants, RL prévoit d’investir dans des technologies qui lui permettraient d’accroître sa capacité à assurer la surveillance et la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement au niveau des fibres.

Partie 3 — Comment traiter la plainte ?

  1. L’ombudsman doit décider de la suite à donner à la plainte et peut :
    1. Fermer le dossier – L’ombudsman peut décider de ne pas donner suite à la plainte et fermer le dossier après avoir publié le présent rapport conformément au paragraphe 14(2) du Décret.
    2. Mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits – L’ombudsman peut décider d’enquêter sur la plainte en procédant à une recherche indépendante des faits, conformément à l’alinéa 7b) du Décret.
  2. Au moment de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête, l’ombudsman prend en considération le contexte général de la plainte et les facteurs pertinents, notamment la question de savoir si :
    1. La plainte est frivole ou vexatoire.
    2. La plainte est en cours d’examen ou a été examinée par une autre instance.
    3. L’entreprise canadienne a déjà fourni une réponse ou une réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte.
    4. Des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles.
    5. Il est probable qu’une réparation efficace soit possible.
    6. Une enquête est susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants ou d’autres personnes.
  3. La coopération de l’entreprise canadienne citée dans une plainte n’est pas déterminante pour établir si des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles. L’OCRE peut prendre en considération la disponibilité des renseignements provenant de toutes les sources raisonnablement accessibles. En outre, dans tout rapport final, l’OCRE peut faire des observations sur l’incidence de la coopération des parties sur la disponibilité des renseignements et d’autres aspects de l’enquête.
  4. Pour déterminer si une réparation acceptable ou efficace est vraisemblablement possible en l’espèce, l’ombudsman examinera les mesures correctives envisageables.

Analyse

  1. À première vue, les allégations formulées par les plaignants soulèvent de sérieuses questions au sujet d’une atteinte possible à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé, dont il est question dans les instruments suivants :
    1. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 — article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
    2. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 — paragraphe 23(1) : droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions équitables et satisfaisantes de travail ; voir aussi Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 — article 6.1.
    3. Convention (numéro 29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930 — articles 1 et 2 : Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ; voir aussi Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 — alinéa 8(3)a) ; et Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930.
    4. Convention (n° 105) de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957 — article 1 : interdiction du travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition politique ou de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
  2. La gravité des conséquences sur les droits de la personne du possible recours au travail forcé des Ouïghours est soulignée dans le rapport OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China (en anglais seulement) publié en août 2022. Ce rapport indique que des restrictions considérables, arbitraires et discriminatoires des droits de la personne et des libertés fondamentales ont été imposées aux Ouïghours et à d’autres communautés majoritairement musulmanes vivant au Xinjiang « en violation des lois et des normes internationales » et exhorte les États, les entreprises et la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre un terme à ces mauvais traitements.
  3. Conscient de la gravité du recours possible au travail forcé des Ouïghours au Xinjiang, le gouvernement du Canada exige des entreprises canadiennes qui s’approvisionnent directement ou indirectement au Xinjiang ou auprès d’entités recourant à la main-d’œuvre ouïghoure, ou qui cherchent à mener des activités sur le marché du Xinjiang, qu’elles signent la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang avant de recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux (SDC). De plus, le gouvernement du Canada s’est engagé, dans son budget de 2023, à réduire les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement et a signalé son intention de renforcer l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement du Canada en déplaçant les chaînes d’approvisionnement critiques de dictatures vers des démocraties.
  4. La plainte soulève des questions sur la diligence raisonnable de RLCLP. Les principles 14 et 17 et leurs commentaires relatifs des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF) indiquent qu’une entreprise peut devoir adopter des mesures plus rigoureuses dans un contexte opérationnel à risque élevé et que la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans un contexte à risque élevé doit être adaptée en fonction de la nature et du contexte des activités de l’entreprise, des types de groupes vulnérables et de l’intensité et de la gravité des risques pour les droits de la personne. Compte tenu de la prévalence du coton du Xinjiang dans la production mondiale de vêtements, l’approvisionnement en coton, pour un fabricant ou un détaillant de vêtements, constitue un contexte à risque élevé, d’où la nécessité d’un solide modèle de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
  5. Les Principes directeurs des Nations Unies fournissent également une orientation quant à la responsabilité des entreprises de faire preuve de transparence à l’égard de leurs activités de diligence raisonnable. Les entreprises dont les activités commerciales ou le contexte de fonctionnement présentent des risques d’incidences graves sur les droits de la personne doivent communiquer officiellement la façon dont elles cernent ces incidences graves et remédient à celles-ci (principe 21 des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF). Lorsque des préoccupations sont exprimées par les acteurs concernés ou en leur nom, ou par d’autres parties intéressées, les entreprises doivent fournir des renseignements suffisants et veiller à ce que leurs rapports ou communications soient accessibles aux publics cibles.
  6. Au nom de la société mère américaine RLC et de Ralph Lauren Canada, l’avocat a fait valoir l’engagement de RL à respecter les normes internationales, notamment les Principes directeurs des Nations Unies, les engagements et les stratégies de RL concernant la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et la lutte contre l’esclavage, ainsi que les processus de traçage, d’analyse et de vérification par des tiers de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. L’avocat a déclaré que « conformément à la législation américaine et aux politiques de l’entreprise, les fournisseurs de Ralph Lauren n’ont pas le droit d’utiliser du coton cultivé au Xinjiang. Au cours des dernières années, Ralph Lauren a pris de nombreuses mesures proactives dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, et en partenariat avec son secteur d’activité, pour s’attaquer aux problèmes liés au travail forcé et s’assurer que l’entreprise respecte toutes les lois et la réglementation applicables partout où elle mène des activités et met en œuvre des stratégies » [traduction].
  7. Le document d’information sur les droits de la personne Human Rights Disclosure (PDF, en anglais seulement) mentionné dans la réponse de la société mère américaine RLC indique que celle-ci communique les renseignements exigés par la loi californienne sur la transparence des chaînes d’approvisionnement (2010), la loi britannique sur l’esclavage moderne (2015) et la loi australienne sur l’esclavage moderne (2018). Les lois en vigueur exigent que les entreprises publient des déclarations afin de fournir des informations sur les efforts qu’elles déploient pour gérer des chaînes d’approvisionnement responsables, notamment pour éradiquer l’esclavage au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. Ces déclarations publiques visent à empêcher non seulement le recours à l’esclavage ou au travail forcé, mais aussi la promotion involontaire de l’esclavage ou du travail forcé à tous les stades de la production ou du processus de fabrication.
  8. L’avocat de la société mère américaine RLC a indiqué que Ralph Lauren, y compris Ralph Lauren Canada :
    1. Procède à une analyse de la transparence à l’égard de ses matières premières.
    2. Utilise la technologie Oritain de traçage de l’origine des fibres.
    3. A commencé à élargir l’utilisation de la technologie de traçage pour certifier le pays d’origine de ses échantillons de produits.
  9. En ce qui concerne l’utilisation de la technologie Oritain mentionnée au paragraphe 10, les plaignants ont expressément suggéré que les marques et les détaillants internationaux de vêtements utilisent cette technologie. Comme il a été indiqué plus tôt, l’avocat de la société mère américaine RLC a évoqué l’utilisation de la même technologie pour empêcher tout recours au travail forcé au début de la chaîne d’approvisionnement. L’avocat a également indiqué qu’il était interdit aux fournisseurs de Ralph Lauren d’utiliser du coton du Xinjiang et a fait part du projet de la société mère américaine RLC d’élargir son utilisation de la technologie pour établir l’origine des fibres de ses produits importés. Toutefois, la réponse de l’avocat ne précise pas : a) quand la technologie de traçage de l’origine des fibres des produits importés a été adoptée ; b) le processus et l’étendue de l’utilisation de cette technologie pour retracer le coton du Xinjiang (p. ex. le pourcentage de produits visés). Une réunion d’évaluation initiale – à laquelle la société mère américaine RLC a refusé de participer – aurait permis d’examiner en détail ces questions cruciales.
  10. En outre, une diligence raisonnable rigoureuse en matière de droits de la personne exige des entreprises qu’elles fassent preuve de transparence en ce qui concerne leurs politiques et leurs stratégies à cet égard. Comme il a été mentionné précédemment, RLCLP n’a pas répondu à la lettre du 12 novembre 2021 envoyée par les plaignants, qui lui demandaient d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne pour s’assurer qu’elle ne profitait pas du travail forcé des Ouïghours et de « rompre ses relations » avec trois entreprises chinoises – Youngor, Jiangsu et Esquel – qui, selon le rapport Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’ASPI, auraient recours au travail forcé des Ouïghours ou en tireraient profit. Par ailleurs, au nom de Ralph Lauren Canada, la société mère américaine RLC a refusé de participer à une réunion d’évaluation initiale avec l’OCRE. Cela soulève des questions quant à la transparence des politiques et stratégies de RLCLP concernant la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et à sa participation de bonne foi au processus de règlement des différends de l’OCRE.
  11. Par ailleurs, la réponse de la société mère américaine RLC n’aborde pas l’allégation précise soulevée par les connaissements. A priori, les connaissements joints à la plainte établissent un lien direct avec RLCLP – une société en commandite canadienne – à titre de destinataire de 26 chargements provenant de l’un des fournisseurs qui, selon le rapport de l’ASPI, a recours au travail forcé des Ouïghours. Les connaissements :
    1. montrent que, bien que les expéditions proviennent de Chine, de Chine/Taïwan, de Hong Kong et du Vietnam, les produits étaient destinés à RLCLP ;
    2. indiquent différents noms pour l’expéditeur : Esquel Garment Mfg. (Vietnam) Co. L, Esquel Enterprises Ltd. Toutefois, ces entreprises semblent faire partie du groupe Esquel.
  12. Le lien entre RLCLP et Esquel établi par les connaissements répond à l’objection concernant la compétence formulée par la société mère américaine RLC, selon laquelle le siège social établi aux États-Unis supervise les activités à l’étranger, de sorte que l’OCRE n’aurait pas compétence à l’égard d’une filiale canadienne du secteur du vêtement qui n’est pas responsable de la supervision des activités à l’étranger. À la lumière du Décret, une filiale ou une entité canadienne est réputée mener des activités à l’étranger lorsqu’il existe un lien transactionnel avec le fournisseur étranger qui serait impliqué dans des atteintes aux droits de la personne. L’objection soulevée par Ralph Lauren dénote une interprétation étroite du mandat de l’OCRE. Cette conception des choses ne va pas dans le sens d’une interprétation large et intentionnelle des lois sur les droits de la personne ou des obligations de large portée visant à garantir le respect des droits de la personne découlant pour les entreprises des Principes directeurs des Nations Unies (PDF) et des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Les « activités à l’étranger » comprennent un très large éventail d’activités, de transactions et de relations d’une entreprise canadienne qui ont lieu à l’extérieur du Canada. Ces activités englobent notamment les fournisseurs d’une entreprise canadienne du secteur du vêtement.
  13. Une recherche récente dans le registre des entreprises de l’Ontario révèle que RLCLP est devenue inactive le 4 avril 2022, avant que la plainte soit déposée contre RLCLP le 21 juin 2022. Si une enquête est ouverte, elle portera sur les activités d’une société en commandite désormais inactive, ce qui pourrait ne pas déboucher sur une réparation raisonnable et efficace, le cas échéant en l’espèce.
  14. Si l’ombudsman décide d’enquêter sur la plainte, les éléments suivants pourraient être pris en considération :
    1. Raisons pour lesquelles RLCLP est désormais inactive.
    2. Statut de RLCLP pendant la période au cours de laquelle elle aurait importé des produits provenant d’entreprises qui auraient recours au travail forcé ou en tireraient profit.
    3. Mesure dans laquelle, le cas échéant, les activités de RLCP sont essentiellement prises en charge par la société Ralph Lauren Canada Corporation (RLCC), constituée plus récemment.
  15. Dans le même temps, on note que :
    1. la plainte a été déposée contre RLCLP et ne fait pas référence à RLCC, qui est une société canadienne active ;
    2. les connaissements joints à la plainte désignent RLCLP comme le destinataire des produits ;
    3. les dates d’importation mentionnées dans les connaissements vont d’août 2020 à mars 2021, alors que RLCC a été constituée le 17 mai 2021.
  16. Si l’ombudsman décide d’ouvrir une enquête, RLCLP ou la société mère américaine, RLC (au nom de RLCLP) aura la possibilité d’y participer et de fournir des réponses, y compris des renseignements supplémentaires concernant les allégations précises soulevées dans la plainte, qui lient RLCLP à un fournisseur chinois, Esquel.
  17. Compte tenu du contexte plus large de la plainte, des difficultés à recueillir des informations dans le pays et du statut d’entreprise inactive de RLCLP, la recherche indépendante des faits pourrait être limitée. La disponibilité des informations devra être évaluée au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête et sera prise en compte dans le rapport final.
  18. La plainte ne nomme pas de personnes et ne les rend pas identifiables, ce qui réduit la possibilité qu’une enquête augmente le risque pour les personnes. Si l’ombudsman décide d’enquêter sur la plainte, une évaluation des risques sera effectuée tout au long de l’enquête.
  19. En revanche, si la décision est prise de fermer le dossier, l’ombudsman peut néanmoins formuler des recommandations et rendra publiquement compte des résultats et de l’issue de l’évaluation initiale conformément à l’article 8.4 des Procédures opérationnelles.

Partie 4 — Participation au processus de plainte

  1. Le 28 novembre 2022, la société mère américaine RLC a répondu à la plainte et a décliné l’invitation de rencontrer l’OCRE à l’occasion d’une réunion d’évaluation initiale. Aucune explication raisonnable n’a été fournie pour cette décision.
  2. Selon les Procédures opérationnelles de l’OCRE, une participation active et pleine et entière au processus de plainte est un signe de bonne foi :

    Conformément à l’article 11.1 : Les parties à l’examen d’une plainte et les personnes visées par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman sont censées y participer pleinement, notamment en fournissant à l’ombudsman les renseignements et les documents pertinents, en mettant les témoins à disposition dans un délai raisonnable, selon les délais établis par l’ombudsman.

    Conformément à l’article 11.2 : Si une entreprise canadienne ne participe pas activement à un examen et, entre autres, refuse de fournir des renseignements et des documents pertinents, l’ombudsman pourrait tirer les conclusions négatives ou défavorables qui conviennent durant la recherche des faits.

    Conformément à l’article 12.4 : L’ombudsman peut déterminer qu’une partie à l’examen d’une plainte ou une personne visée par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman qui ne participe pas activement à l’examen […] sans explication raisonnable, n’agit pas de bonne foi.

  3. Les Procédures opérationnelles exigent une participation de bonne foi de la part d’une entreprise canadienne. Si l’ombudsman décide d’ouvrir une enquête, elle peut examiner la question de la participation de bonne foi à un stade ultérieur.
  4. Dans l’éventualité où il serait considéré que RLCLP n’a pas agi de bonne foi, l’ombudsman peut exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 10 du Décret et recommander à la ministre la mise en œuvre de mesures commerciales, à savoir :
    1. le retrait de l’appui à la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (connu sous le nom d’Affaires mondiales Canada) ;
    2. le refus par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement d’appuyer à l’avenir la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne ;
    3. le refus par Exportation et développement Canada de soutenir financièrement l’entreprise canadienne à l’avenir.

Partie 5 — Observations présentées par les parties

Observations des plaignants

  1. Dans une lettre datée du 31 mai 2023, les plaignants ont formulé les observations suivantes sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale :
    • La réponse de la société mère américaine RLC n’aborde pas de manière satisfaisante la question du recours au travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement de RLCLP, et RLC continue de nier qu’elle s’approvisionne au Xinjiang, ce qui est directement contredit par les connaissements.
    • L’OCRE devrait mener une enquête en s’appuyant sur une recherche indépendante des faits. Pour étayer leur affirmation, les plaignants ont déclaré ce qui suit :
      • La plainte soulève de graves allégations d’atteinte possible à un droit de la personne reconnu internationalement, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé, et la réponse de la société mère américaine n’a pas abordé l’allégation précise soulevée par les connaissements qui montrent que RLCLP a reçu 26 chargements de l’un des fournisseurs qui, selon le rapport Uyghurs for Sale de l’ASPI, auraient recours au travail forcé des Ouïghours.
      • La plainte n’est pas examinée dans une autre instance et ne l’a pas été antérieurement.
      • RLCLP a) n’a pas proposé de réponse ou de réparation satisfaisante à l’égard des allégations contenues dans la plainte ; b) a refusé sans motif de participer au processus de règlement des différends de l’OCRE ; c) n’a pas répondu à la lettre des plaignants datée du 12 novembre 2021. Pour toutes ces raisons, l’ombudsman devrait considérer que RLCLP n’a pas agi de bonne foi conformément à l’article 12.4 des Procédures opérationnelles.
      • Il y a des informations contradictoires — la société mère américaine RLC nie qu’elle s’approvisionne au Xinjiang, ce qui est en contradiction avec les conclusions de l’ASPI, et cette question devrait faire l’objet d’une enquête.
      • Des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles dans le domaine public, y compris les documents publics déposés par RLCLP et d’autres informations accessibles, ainsi que les informations disponibles auprès des partenaires commerciaux de RLCLP en Chine et ailleurs. On note en outre que même si RLCLP ne coopère pas, les renseignements pertinents disponibles dans le domaine public sont substantiels.
      • La conduite d’une enquête n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants ou d’autres personnes.

Observations de Ralph Lauren Corporation

  1. Dans une lettre datée du 9 juin 2023, l’avocat de Ralph Lauren Corporation (RLC) a formulé les observations suivantes sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale :
    1. RLCLP est inactive depuis le 4 avril 2022, uniquement pour des raisons administratives. Depuis le 4 avril 2022, Ralph Lauren Canada Corporation (RLCC) supervise les activités canadiennes de RLC.
    2. En ce qui concerne les connaissements joints à la plainte, l’avocat de RLC a indiqué que RLC et ses entités à l’étranger ne s’approvisionnent pas en coton, fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang.
    3. Toutefois, profondément préoccupée par les allégations formulées dans le rapport de l’ASPI, la société Ralph Lauren a procédé à un examen approfondi de sa chaîne d’approvisionnement en réponse à ces allégations. Elle a notamment renforcé ses procédures de diligence raisonnable, multiplié les audits menés par des tiers pour s’assurer que ses produits sont exempts de tout intrant issu du travail forcé et exigé de tous ses fournisseurs qu’ils signent des attestations détaillées pour s’assurer qu’ils respectent les sanctions du gouvernement américain. Ralph Lauren a confirmé que jamais RLC ou RLCLP n’ont eu de relations d’affaires avec Changji Esquel Textile Co. ou la filiale d’Esquel qui a été ajoutée aux listes d’entités établies par le gouvernement américain (la liste d’entités du Bureau of Industry and Security en2020 et la liste d’entités de la Uyghur Forced Labor Prevention Act en 2022). Parallèlement, RLC et RLCLP ont cessé d’effectuer des commandes auprès du groupe Esquel en décembre 2020, et la dernière commande a été expédiée en août 2021. La société Ralph Lauren s’est retirée de tout lien avec ce fournisseur en suivant le processus de désengagement responsable de l’OCDE, décrit dans son guide sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure, qui prévoit qu’il faut donner au fournisseur un préavis suffisant de la fin de la relation d’affaires pour prendre en compte les effets négatifs d’une telle décision sur les droits de la personne.
    4. En ce qui concerne la traçabilité des produits et l’utilisation de technologies à cette fin, Ralph Lauren a indiqué qu’Oritain est l’un des nombreux outils utilisés par RLC pour étayer et vérifier la fiabilité des documents relatifs à la chaîne de contrôle que l’entreprise recueille auprès des fournisseurs. Ralph Lauren a été l’une des premières entreprises à adopter cette technologie, qu’elle a commencé à mettre à l’essai il y a quelques années. En contrôlant des échantillons de tissus et de produits avec Oritain, l’entreprise peut vérifier l’origine géographique des fibres de coton dans les produits finis. Toutefois, les délais et les coûts actuels ont rendu prohibitif le recours à cette technologie en tant que solution pour vérifier les intrants de tous les produits de coton. Ralph Lauren utilise actuellement la technologie comme un outil d’audit général, plutôt que comme une méthode de vérification de chaque produit ou expédition. Ralph Lauren explore actuellement un certain nombre d’autres nouveaux outils de traçabilité, tels que Textile Genesis, une plateforme numérique qui permet aux marques de retracer les matières de leur source jusqu’aux produits finis à l’aide de jetons numériques, et FibreTrace, qui s’appuie sur des pigments luminescents appliqués aux fibres ou aux fils au stade de l’égrenage ou de la filature pour permettre une traçabilité physique. Il n’existe pas de solution idéale pour la traçabilité des produits, et nombre de ces technologies sont encore naissantes et en phase d’essai. Ralph Lauren a indiqué qu’avec le temps, elle entendait utiliser une combinaison personnalisée d’outils répondant à « différents défis particuliers, ce qui lui permettra d’améliorer considérablement la transparence de la chaîne d’approvisionnement » [traduction].
    5. Ralph Lauren a également déclaré qu’elle avait procédé à une vérification approfondie de son bureau au Canada et qu’elle pouvait confirmer qu’elle n’avait pas reçu la lettre des plaignants datée du 21 novembre 2021 et qu’elle n’employait personne ayant le titre de directeur principal pour le Canada (auquel la lettre était adressée). En outre, la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et la gestion des fournisseurs sont assurées par RLC, et non par l’entité canadienne.
    6. Ralph Lauren a également déclaré que RLC, et par extension son entité canadienne, adopte une approche fondée sur le risque en matière de sélection des fournisseurs et de diligence raisonnable, et que l’entreprise est actuellement en train d’accroître la visibilité sur la chaîne d’approvisionnement encore plus loin en amont en améliorant la portée et la qualité des données. Elle a déclaré exercer une diligence raisonnable à l’égard de ses fournisseurs en évaluant les risques pour les droits de la personne, en les classant par ordre de priorité, en les prévenant et en les atténuant, ainsi qu’en remédiant aux problèmes constatés, notamment en recourant à des outils tels que des audits réalisés par des tiers indépendants, le programme Better Work de l’OIT et l’évaluation du Social and Labor Convergence Program. Compte tenu des limites de ces outils, Ralph Lauren complète ces activités de contrôle par une formation des fournisseurs sur des sujets clés tels que les pratiques d’embauche éthiques et le recrutement responsable et s’associe à des experts locaux et à des ONG, dans la mesure du possible, pour soutenir une mise en œuvre plus efficace de ces activités. Cette année, l’entreprise s’emploie avant à répertorier les chaînes d’approvisionnement de tous ses fournisseurs de coton en collaborant avec des organisations tierces pour assurer la transparence de la chaîne d’approvisionnement et l’évaluation des risques. Ralph Lauren demande également des informations directement à ses fournisseurs et consulte les rapports de divers organismes gouvernementaux et de la société civile. Pour mieux faire la lumière sur tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, elle a récemment mené un projet pilote avec Sourcemap, une plateforme qui regroupe en un seul endroit les travaux des entreprises sur la transparence de la chaîne d’approvisionnement et les résultats des contrôles préalables des fournisseurs, afin de mieux comprendre la complexité de sa chaîne d’approvisionnement en amont et de découvrir en détail les liens entre les fournisseurs ainsi que les capacités de production, les conditions de travail et la performance environnementale. Ralph Lauren a également procédé à des vérifications supplémentaires et approfondies de ses principaux fournisseurs en utilisant des plateformes tierces qui passent au peigne fin les bases de données afin de répertorier les réseaux de fournisseurs et de cerner les liens qui posent problème. Ralph Lauren verse divers renseignements sur ses partenaires de la chaîne d’approvisionnement sur Open Supply Hub, une extension de l’Open Apparel Registry (OAR), un organisme à but non lucratif qui recueille des données sur les fournisseurs des marques et les verse sur un réseau de données ouvert. Depuis 2022, elle diffuse sa liste de fournisseurs de produits finis et leurs unités de transformation sur Open Supply Hub, y compris des renseignements sur les adresses des usines, le nombre approximatif de travailleurs, les certifications des usines et plus encore.
    7. Enfin, Ralph Lauren a fait savoir qu’elle s’engageait à coopérer de bonne foi avec l’OCRE et qu’elle pouvait fournir des éclaircissements supplémentaires avant la publication du rapport final. L’entreprise peut également fournir des réponses supplémentaires sous réserve de la divulgation d’informations commerciales sensibles.

Partie 6 — Décision de l’OCRE

  1. L’accord des deux parties est indispensable pour procéder à la médiation ou à une recherche conjointe des faits. Les plaignants ont d’abord indiqué qu’ils étaient ouverts à toutes les options de règlement des différends. Le 28 novembre 2022, la société mère américaine RLC a fait savoir qu’elle ne participerait pas au processus d’évaluation initiale de l’OCRE. Toutefois, dans ses observations du 9 juin 2023 sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale, Ralph Lauren a indiqué qu’elle était disposée à coopérer de bonne foi avec l’OCRE et à fournir des éclaircissements et des réponses supplémentaires. Compte tenu de ce changement de position de RLC concernant la participation et la collaboration au processus de règlement des différends de l’OCRE, les deux parties pourraient envisager une médiation lors de la prochaine étape du processus de l’OCRE.
  2. Le refus de RLC de participer à la phase d’évaluation initiale de l’OCRE, suivi d’un changement de dernière minute indiquant une volonté de participer et de collaborer au processus de l’OCRE, a rendu difficile l’achèvement de l’évaluation. La position de RLC soulève également des questions quant à la manière dont RLC traite les allégations d’atteinte possible aux droits internationaux de la personne. Pour être efficace, la diligence raisonnable en matière de droits de la personne doit se faire dans un cadre ouvert, participatif et réceptif pour traiter les plaintes ou les griefs soulevés par les intervenants. Les entreprises font preuve de la transparence requise par les Principes directeurs des Nations Unies en traitant les plaintes en temps utile et de manière active, y compris en diffusant les résultats des examens et des audits internes, le cas échéant.
  3. L’ombudsman a décidé que certaines allégations justifiaient l’ouverture d’une enquête fondée sur une recherche indépendante des faits. L’enquête se limitera à examiner le lien supposé entre RLCLP et deux entités chinoises — Youngor Textile Holdings Co. Ltée et Jiangsu Guotai Guosheng, qui, selon le rapport de l’ASPI, auraient recours au travail forcé des Ouïghours ou en tireraient profit. Pour prendre sa décision, l’ombudsman a tenu compte des facteurs mentionnés au paragraphe 16 du présent rapport :
    1. A priori, la plainte soulève des allégations sérieuses concernant une éventuelle atteinte à un droit de la personne reconnu internationalement, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé. La fermeture du dossier avant la tenue d’une enquête empêcherait l’ombudsman d’envisager tous les moyens à sa disposition pour s’acquitter de son mandat consistant à promouvoir le respect des droits de la personne et à prévenir les atteintes à ceux-ci.
    2. La plainte n’est pas en attente d’examen et n’a pas été examinée par une autre instance.
    3. Dans ses observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale, RLC a expliqué son vaste mécanisme de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, qui est fondé sur le risque et vise à accroître la transparence au sujet des produits importés dans sa chaîne d’approvisionnement. En ce qui concerne son approvisionnement mondial, RLC utilise plusieurs stratégies pour cerner les risques liés aux droits de la personne et adopter les mesures préventives, correctives ou d’atténuation nécessaires. Dans ses observations, l’entreprise précise qu’elle s’efforce d’assurer une plus grande transparence à l’égard de ses fournisseurs de coton en collaborant avec les intervenants concernés et en diffusant des données et des informations, en plus d’utiliser diverses technologies, notamment celle d’Oritain, de dispenser de la formation à ses fournisseurs actuels et de renforcer sa capacité de surveillance de la chaîne d’approvisionnement afin de cerner les liens entre les fournisseurs qui posent problème, etc. RLC a également confirmé que RLC et RLCLP avaient une relation commerciale avec une filiale d’Esquel et avaient reçu des expéditions de celle-ci jusqu’en août 2021. L’entreprise a cessé d’effectuer des commandes auprès de ce fournisseur en décembre 2020, lorsqu’Esquel a été ajoutée aux listes d’entités du gouvernement américain (la liste d’entités du Bureau of Industry and Security en 2020 et la liste d’entités de la Uyghur Forced Labor Prevention Act en 2022). RLC a expliqué qu’elle avait mis fin à la relation d’affaires de manière responsable en suivant le processus de désengagement responsable de l’OCDE. RLC a reconnu avoir continué à recevoir des expéditions jusqu’en août 2021. Cela explique les connaissements présentés par les plaignants, qui indiquent que RLCLP a importé des marchandises entre août 2020 et mars 2021 provenant d’Esquel Textile Co. Ltd. Bien que la raison pour laquelle Ralph Lauren a publié une déclaration le 30 juillet 2020, niant s’approvisionner en fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang, ne soit pas claire, il semble que la situation alléguée concernant Esquel a été corrigée pour l’essentiel.

      Étant donné que des informations contradictoires subsistent, l’ombudsman a l’intention de traiter ces questions au moyen d’une enquête dont la portée sera limitée aux éléments suivants :
      1. Sur quelle base RLC/RLCLP a-t-elle publié sa « déclaration sur le Xinjiang » le 30 juillet 2020 ?
      2. RLC ou RLCLP ont-elles eu des relations d’affaires avec les entités chinoises — Youngor Textile Holdings Co. Ltée et Jiangsu Guotai Guosheng — le 1ermai 2019 ou après cette date et, dans l’affirmative, comment la société a-t-elle remédié à cette situation ?
    4. Compte tenu de la difficulté de tenir une enquête au Xinjiang et de la complexité de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur du vêtement, les renseignements pertinents et les résultats connexes peuvent être limités.
    5. Rien n’indique à ce stade qu’une réparation efficace ne serait probablement pas envisageable.
    6. La tenue d’une enquête n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants et d’autres personnes.
  4. RLC a indiqué dans ses observations qu’elle était disposée à coopérer de bonne foi avec l’OCRE. Compte tenu de la position de l’entreprise, l’ombudsman encourage les parties à envisager la médiation. Les parties qui ont recours à la médiation peuvent convenir de conditions de confidentialité qui protégeront les informations échangées au cours de la médiation. L’OCRE évaluera la participation et la bonne foi de RLC à l’issue du traitement de la plainte et pourra, s’il y a lieu, recommander à la ministre l’adoption de mesures commerciales, comme le prévoit l’article 10 du Décret. Il est à noter que la recommandation visée à l’article 10 porte sur des mesures commerciales et non sur la mise en place d’une réparation efficace.

Annexe-1

Les plaignants : une coalition de 28 organisations

  1. Canadians in Support of Refugees in Dire Need (CSRDN)
  2. Alliance Canada Hong Kong
  3. Anatolia Islamic Centre
  4. Canada Tibet Committee
  5. Canadians Against Oppression & Persecution
  6. Canadian Council of Muslim Women (CCMW)
  7. Canadian Council of Imams (CCI)
  8. Canada-Hong Kong Link
  9. Doctors for Humanity
  10. East Turkistan Association of Canada
  11. End Transplant Abuse in China (ETAC)
  12. Human Rights Research and Education Centre, University of Ottawa
  13. Human Concern International (HCI)
  14. Islamic Circle of North America Canada (ICNA)
  15. Islamic Society of North America (ISNA)
  16. Justice for All
  17. Lawyers for Humanity
  18. Muslim Association Canada (MAC)
  19. National Council of Canadian Muslims (NCCM)
  20. Raoul Wallenberg Centre for Human Rights
  21. Canadian Security Research Group
  22. Share 2 Care (S2C)
  23. Stop Uyghur Genocide Canada
  24. Toronto Association for Democracy in China
  25. Union of Medical care and Relief Organizations-Canada (UOSSM)
  26. Uyghur Refugee Relief Fund
  27. Uyghur Rights Advocacy Project
  28. Vancouver Society in Support of Democratic Movement
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