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Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Walmart Canada Corp.

Numéro de dossier : 220851
Date de réception de la plainte : 21 juin 2022
Date de publication du rapport : 24 août 2023

À propos de l’OCRE

Le bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) est un mécanisme de règlement des différends relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada. Toute personne peut déposer une plainte auprès de l’OCRE concernant d’éventuelles atteintes aux droits de la personne résultant des activités des entreprises canadiennes à l’étranger dans les secteurs du vêtement, minier ou pétrolier, et du gazier.

Pour plus de plus amples renseignements, consultez le site du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.

Quel est l’objectif de ce rapport ?

Dans ce rapport, l’OCRE présente l’information relative à l’étape d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes, le 21 juin 2022, en ce qui concerne les activités de Walmart Canada Corp.

Conformément à l’article 16 du Décret ayant établi le poste d’OCRE (« le décret »), les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur les faits contenus dans le rapport. La partie 5 du rapport renferme un résumé de ces observations.

Qui sont les parties concernées par la plainte ?

Les plaignants sont une coalition de 28 organisations canadiennes dont la liste figure à l’annexe 1.

Walmart Canada Corp. (Walmart Canada) est une entreprise canadienne de vêtements. Elle a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario le 1er février 2001 et son bureau principal est situé au 1940 Argentia Road, à Mississauga, en OntarioNote de bas de page 1.

Quel est l’objet de la plainte ?

Les plaignants allèguent que Walmart Canada entretient des relations commerciales avec des entreprises chinoises dont il a été signalé qu’elles recourent au travail forcé des Ouïghours.

Pour appuyer leur plainte, les plaignants invoquent le rapport de mars 2020 Uyghurs for Sale (en anglais seulement) de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) indiquant que Qingdao Jifa Huajin Garment Co. Ltée et Jiangsu Guotai Guosheng Co. Ltée sont des usines de la chaîne d’approvisionnement de Walmart Canada, qui font travailler les Ouïghours dans des conditions s’apparentant fortement au travail forcéNote de bas de page 2. Ce rapport fournit les renseignements suivants :

Qingdao Jifa Huajin Garment Co. Ltd (« Qingdao »)

Jiangsu Guotai Guosheng Co. Ltd

Les plaignants soulignent que Walmart Canada n’a pas publié de déclaration en réponse aux allégations formulées dans le rapport de l’ASPI, ni abordé la question du recours présumé au travail forcé des Ouïghours au début de sa chaîne d’approvisionnement. Les plaignants font valoir que, même si Walmart Canada a déclaré avoir retiré de ses magasins les produits fabriqués au Xinjiang, des questions subsistent quant à ses pratiques de diligence raisonnable et à celles de ses fournisseurs.

Pour étayer leurs allégations, les plaignants s’appuient également sur le rapport Laundering Cotton (en anglais seulement) de novembre 2021 de Laura Murphy (le rapport Murphy) qui désigne Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltée, Luthai Textile Co. Ltée, Texhong Textile Group et Weiqiao Textile Co. Ltée comme des fabricants liés au travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement de WalmartNote de bas de page 3. Le rapport Murphy fournit les renseignements suivants :

Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltd (« Jiangsu »)

Luthai Textile Co. Ltd (« Luthai »)

Texhong Textile Group (« Texhong »)

Weiqiao Textile Co. Ltd (« Weiqiao »)

Partie 1 — Résumé de l’étape d’admission (ou d’admissibilité)

  1. Le 22 juillet 2022, l’OCRE a conclu que la plainte était recevable en vertu de l’article 6.1 de ses Procédures opérationnelles compte tenu des renseignements fournis par les plaignants. Cela signifie que l’OCRE estime que les renseignements fournis par les plaignants étaient suffisants pour conclure de façon raisonnable que chacun des trois critères de recevabilité applicables était respecté. Il y a peu de conditions à remplir pour qu’une plainte puisse être jugée recevable. Les critères utilisés pour déterminer la recevabilité d’une plainte sont les suivants :
    • Le motif de la plainte est une atteinte présumée à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale.
    • Les allégations d’atteinte aux droits de la personne découlent des activités à l’étranger d’une entreprise canadienne dans les secteurs du vêtement, des mines ou du pétrole et du gaz.
    • Le motif de la plainte aurait eu lieu après le 1ermai 2019 ou, s’il a eu lieu avant le 1er mai 2019, il se poursuit au moment de la plainte. (Procédures opérationnelles, article 5.7).
  2. La décision de l’OCRE a été communiquée aux plaignants par courriel le 27 juillet 2022.
  3. La décision de l’OCRE a été communiquée à Walmart Canada par courriel le 29 juillet 2022 avec une copie de la plainte. La plainte est alors passée de l’étape de réception à l’étape d’évaluation initiale du processus de plainte. L’OCRE a également tenu une réunion préliminaire avec l’avocat de Walmart Canada le 10 janvier 2023, à la demande de celui-ci.

Partie 2 — Évaluation initiale

Renseignements généraux

  1. L’évaluation initiale est le processus consistant à déterminer la suite à donner dans le cas d’une plainte recevable, et notamment la façon de répondre aux objections éventuelles du défendeur (l’entreprise citée dans la plainte). L’OCRE ne prend pas de décision sur le bien‑fondé de la plainte à l’étape de l’évaluation initiale.
  2. Les objectifs du processus d’évaluation initiale sont les suivants :
    • Mieux comprendre les positions des parties en ce qui concerne les allégations, y compris les objections éventuelles du défendeur.
    • Commencer à cerner les besoins et les intérêts sous-jacents des parties.
    • Fournir des renseignements sur le rôle de l’OCRE et les différentes procédures de règlement des litiges.
    • Collaborer avec les parties pour déterminer la procédure de règlement des litiges la mieux adaptée pour résoudre les questions soulevées par la plainte, y compris les allégations et les objections éventuelles du défendeur.
  3. Au cours de l’évaluation initiale, l’OCRE rencontre les parties pour connaître leur point de vue sur les allégations, répondre à leurs préoccupations et questions et solliciter leur consentement à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation. Si les parties refusent de participer à un mécanisme consensuel de règlement des litiges, l’OCRE décide de la suite à donner à la plainte, ce qui peut comprendre l’ouverture d’une enquête.

La procédure d’évaluation initiale dans le cadre de la présente plainte

  1. Durant l’évaluation initiale de cette plainte, l’OCRE a pris les mesures suivantes :
    1. Examen documentaire de la plainte.
    2. Réunion virtuelle d’évaluation initiale avec les représentants des plaignants, le 18 novembre 2022.
    3. Réunion virtuelle avec l’avocat de Walmart Canada le 10 janvier 2023 (cette réunion n’était pas une réunion d’évaluation initiale ; l’OCRE a répondu aux questions de l’avocat au sujet du processus de plainte).
    4. Analyse documentaire de rapports de recherche et des déclarations fournies par l’entreprise.

Ce que les plaignants ont rapporté à l’OCRE

  1. Lors de la réunion d’évaluation initiale du 18 novembre 2022, les plaignants se sont dits disposés à participer à un règlement rapide ou à un processus de médiation et ont accepté de signer un accord de confidentialité. Les plaignants ont indiqué qu’ils étaient prêts à envisager un règlement général dans lequel l’identité de Walmart Canada serait gardée confidentielle et qui procurerait des solutions pour remédier à tout recours au travail forcé des Ouïghours et pour aider les entreprises canadiennes de vêtements à exercer comme il se doit une diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans ce contexte à risque élevé. Les plaignants ont également indiqué que, compte tenu de la difficulté à retracer l’origine des textiles, en particulier dans la région du Xinjiang, il était préférable que les fabricants de vêtements utilisent une technologie de traçage de l’origine des fibres qui permette de répertorier la chaîne d’approvisionnement, de la fibre jusqu’à la vente au détail.

Réponse de Walmart Canada à la plainte

  1. Le 18 novembre 2022, Walmart Canada a fourni une première réponse à la plainte par courriel :
    1. Walmart Canada a déclaré que le travail forcé était strictement interdit par ses normes s’appliquant aux fournisseurs et a souligné qu’elle prenait très au sérieux les allégations de travail forcé.
    2. Walmart Canada a fait remarquer que la lettre de plainte datée du 21 juillet 2022 n’établissait pas de lien entre l’entreprise et les allégations de travail forcé des Ouïghours en Chine.
    3. Walmart Canada a aussi contesté de manière générale le bien-fondé des allégations, affirmant que la plainte ne remplissait pas les critères de recevabilité de l’OCRE.
    4. Walmart Canada a également souligné que les pratiques décrites dans la plainte vont à l’encontre de ses normes et valeurs.
    5. Walmart Canada a indiqué avoir mené un examen des entités indiquées dans la plainte (Qingdao Jifa et Jiangsu Guotai Guosheng, Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltée, Luthai Textile Co. Ltée, Texhong Textile Group et Weiqiao Textile Co. Ltée) afin de vérifier s’il en était fait mention dans les dossiers de déclaration relatifs à sa chaîne d’approvisionnement active. À l’issue de son examen, l’entreprise a constaté qu’aucune des entités citées dans la plainte n’était reconnue comme une usine utilisée par ses fournisseurs pour produire ses marchandises.
    6. Walmart Canada a souligné que son programme d’approvisionnement responsable assure la surveillance des fournisseurs et des installations utilisées par ces fournisseurs pour produire des marchandises afin de s’assurer qu’ils respectent ses normes s’appliquant aux fournisseurs.
    7. Walmart Canada a soutenu qu’elle exige que ses fournisseurs à l’échelle mondiale lui fournissent le nom et l’emplacement des usines qu’ils utilisent pour produire des marchandises de marque Walmart et des marchandises que Walmart Canada importe.
    8. Walmart Canada a en outre indiqué qu’elle exige de ses fournisseurs qu’ils fassent vérifier leurs usines dans le cadre de programmes d’audit indépendants, reconnus à l’échelle internationale et réalisés par des auditeurs indépendants qualifiés. Walmart Canada a également souligné que chaque audit est examiné afin de déceler toute indication de travail forcé, de travail de personnes mineures et de conditions de travail dangereuses, entre autres, et qu’en cas d’indication de telles pratiques, une enquête est menée.
    9. Walmart Canada a aussi soutenu qu’au-delà de la conformité, elle agit en amont pour lutter contre le travail forcé et la traite des personnes parce que c’est la bonne chose à faire. Elle a souligné que ces initiatives font d’elle une entreprise plus forte et renforcent la confiance de ses clients et des parties prenantes.
  2. Au cours de la réunion d’évaluation initiale du 6 février 2023, les représentants de Walmart Canada ont fait remarquer que Walmart Canada n’était pas disposée à réitérer sa position, car celle-ci a été exposée dans sa lettre de réponse à la plainte. Ils ont aussi expliqué qu’il leur était difficile de voir pourquoi Walmart Canada devrait participer à un processus de l’OCRE, compte tenu de la diligence raisonnable de Walmart Canada et des renseignements qu’elle a fournis à l’OCRE. Selon eux, Walmart Canada a cherché dans ses dossiers des mentions des entités citées dans la plainte et n’en a pas trouvé. Les représentants de l’entreprise se sont également interrogés sur ce que Walmart Canada aurait à gagner en participant au processus. De plus, ils ont expliqué que les renseignements relatifs à la diligence raisonnable de l’entreprise sont accessibles au public. Selon eux, Walmart Canada participe à de nombreux conseils et examens dans le monde entier et a un seuil d’intégrité élevé en ce qui concerne le travail forcé. Ils ont par ailleurs souligné que Walmart Canada est à l’avant-garde dans son domaine, car elle s’est dotée de meilleurs systèmes de traçabilité, de meilleures lignes d’assistance téléphonique sur l’éthique et de meilleures équipes de traçabilité. Les représentants de Walmart Canada ont également confirmé que l’entreprise n’avait pas répondu à la lettre de novembre 2021 dans laquelle les plaignants exprimaient leurs préoccupations et demandaient à Walmart Canada de s’assurer, hors de tout doute raisonnable, qu’elle ne profite pas des atrocités commises à l’encontre des OuïghoursNote de bas de page 4.
  3. Le 19 mai 2023, Walmart Canada a fait part de sa décision de ne pas participer au processus de règlement des différends de l’OCRE. Essentiellement, Walmart Canada a refusé de participer plus avant au processus de plainte, y compris à la médiation, en soulignant qu’elle rejette l’allégation des plaignants selon laquelle sa chaîne d’approvisionnement comprend des installations ou des organisations qui commettent des violations des droits de la personne. La réponse de Walmart sur le fond de la plainte est décrite ci-dessous.

Politiques et mesures de contrôle de l’entreprise visant à prévenir les atteintes aux droits de la personne dans la chaîne d’approvisionnement

  1. Walmart Canada souligne que la politique de l’entreprise consiste à prendre au sérieux les allégations de violation des droits de la personne. Elle établit et met en œuvre des politiques, des normes, des mesures de contrôle et des systèmes de suivi de la chaîne d’approvisionnement qui appuient son mandat d’interdire le recours au travail forcé à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Walmart Canada a invité les plaignants à examiner ses normes et politiques énonçant les exigences et les attentes que doivent remplir ses fournisseurs en ce qui concerne les droits de la personne et les droits des travailleurs, en particulier les normes s’appliquant aux fournisseurs et la politique de déclaration de Walmart Canada, qui peuvent être consultées sur le site Centre de conformité en matière d’approvisionnement responsable de Walmart. Walmart Canada a souligné que son programme d’approvisionnement responsable permet de surveiller les fournisseurs et les installations qu’ils utilisent pour produire des marchandises afin de s’assurer qu’ils respectent les normes susmentionnées s’appliquant aux fournisseurs. Walmart Canada exige également de ses fournisseurs qu’ils communiquent le nom et l’emplacement des usines qu’ils utilisent et qu’ils fassent faire des audits de ces usines dans le cadre de programmes d’audit indépendants et reconnus à l’échelle internationale. Walmart Canada a fait remarquer que les auditeurs sont formés pour chercher (entre autres) des indications de travail forcé dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement. Toute indication de travail forcé, sous quelque forme que ce soit, fait l’objet d’une enquête plus approfondie et est immédiatement transmise à l’échelon supérieur pour qu’un examen plus poussé soit réalisé.

Réponses précises à la plainte

  1. En ce qui concerne la lettre de plainte reçue de l’OCRE, Walmart Canada a déclaré avoir fait des recherches sur les entités mentionnées dans la plainte (Qingdao Jifa et Jiangsu Guotai Guosheng, Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltée, Luthai Textile Co. Ltée, Texhong Textile Group et Weiqiao Textile Co. Ltée), ainsi que sur les 27 usines citées dans le rapport de l’ASPI à l’appui. Selon Walmart Canada, aucune des entités ne fait partie de la chaîne d’approvisionnement active et déclarée par Walmart Canada, et aucune des usines répertoriées n’est une usine utilisée par des fournisseurs de Walmart Canada pour produire des marchandises destinées à Walmart Canada.

Partie 3 — Comment traiter la plainte

  1. L’ombudsman doit décider de la suite à donner à la plainte et peut :
    1. Fermer le dossier – L’ombudsman peut décider de ne pas donner suite à la plainte et fermer le dossier après avoir publié le présent rapport conformément au paragraphe 14(2) du Décret.
    2. Mener une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits – L’ombudsman peut décider d’enquêter sur la plainte en procédant à une recherche indépendante des faits, conformément à l’alinéa 7b) du Décret.
  2. Au moment de déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête, l’ombudsman prend en considération le contexte général de la plainte et les facteurs pertinents, notamment la question de savoir si :
    1. La plainte est frivole ou vexatoire.
    2. La plainte est en cours d’examen ou a été examinée par une autre instance.
    3. L’entreprise canadienne a déjà fourni une réponse ou une réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte.
    4. Des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles.
    5. Un recours efficace est susceptible d’être disponible.
    6. Une enquête est susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour le plaignant ou pour d’autres personnes.
  3. La coopération de l’entreprise canadienne citée dans une plainte n’est pas déterminante pour établir si des renseignements pertinents sont susceptibles d’être disponibles. L’OCRE peut prendre en considération la disponibilité des renseignements provenant de toutes les sources raisonnablement accessibles. En outre, dans tout rapport final, l’OCRE peut faire des observations sur l’incidence de la coopération des parties sur la disponibilité des renseignements et d’autres aspects de l’enquête.
  4. Pour déterminer si une réparation acceptable ou efficace est vraisemblablement possible en l’espèce, l’ombudsman évalue la portée de l’enquête, c’est-à-dire les personnes qui seraient visées par l’enquête, les mesures correctives envisageables, ainsi que d’autres facteurs concurrents, notamment la capacité institutionnelle (ressources publiques), l’opportunité de lancer une enquête publique et l’efficacité que pourrait avoir celle-ci.

Analyse

  1. À première vue, les allégations formulées par les plaignants soulèvent de sérieuses questions au sujet d’une atteinte possible à un droit de la personne reconnu à l’échelle internationale, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé, dont il est question dans les instruments suivants :
    1. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 — article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
    2. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948 — paragraphe 23(1) : droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions équitables et satisfaisantes de travail ; voir aussi Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 — article 6.1.
    3. Convention (n° 29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930 — articles 1 et 2 : Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ; voir aussi Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 — alinéa 8(3)a) ; et Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930.
    4. Convention (n° 105) de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957 — article 1 : interdiction du travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition politique ou de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
  2. La gravité des conséquences sur les droits de la personne du possible recours au travail forcé des Ouïghours est soulignée dans un OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China (en anglais seulement) publié en août 2022. Ce rapport indique que des restrictions considérables, arbitraires et discriminatoires des droits de la personne et des libertés fondamentales ont été imposées aux Ouïghours et à d’autres communautés majoritairement musulmanes vivant au Xinjiang « en violation des lois et des normes internationales » et exhorte les États, les entreprises et la communauté internationale à prendre des mesures pour mettre un terme à ces mauvais traitements.
  3. Conscient de la gravité du recours possible au travail forcé des Ouïghours au Xinjiang, le gouvernement du Canada exige des entreprises canadiennes qui s’approvisionnent directement ou indirectement au Xinjiang ou auprès d’entités recourant à la main-d’œuvre ouïghoure, ou qui cherchent à pénétrer le marché du Xinjiang, qu’elles signent la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang avant de recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux (SDC). De plus, le gouvernement du Canada s’est engagé, dans son budget de 2023, à réduire les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement et a signalé son intention de renforcer l’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement du Canada en déplaçant les chaînes d’approvisionnement critiques de dictatures vers des démocraties.
  4. La plainte soulève des questions sur la diligence raisonnable de Walmart Canada. Les principes 14 et 17 (et les commentaires connexes) des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDF) indiquent que la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans les zones à haut risque comme la région du Xinjiang en Chine doit être adaptée en fonction de la nature et du contexte des activités de l’entreprise, des types de groupes vulnérables et de l’intensité et de la gravité des risques en matière de droits de la personne, et qu’une entreprise peut être amenée à adopter des mesures plus strictes dans un contexte opérationnel à haut risque.
  5. Les Principes directeurs des Nations Unies fournissent également une orientation quant à la responsabilité des entreprises de faire preuve de transparence à l’égard de leurs activités de diligence raisonnable. Les entreprises dont les activités commerciales ou le contexte de fonctionnement présentent des risques d’incidences graves sur les droits de la personne doivent communiquer officiellement la façon dont elles cernent ces incidences graves et remédient à celles-ci (principe 21 et commentaire connexe des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme [PDF]). Lorsque des préoccupations sont exprimées par les acteurs concernés ou en leur nom, ou par d’autres parties intéressées, les entreprises doivent fournir des renseignements suffisants et veiller à ce que leurs rapports ou communications soient accessibles aux publics cibles.
  6. Comme il a été indiqué plus tôt, Walmart Canada a fourni une réponse à l’OCRE en ce qui concerne la plainte. Dans sa réponse, Walmart Canada affirme que les entités mentionnées dans la plainte (Qingdao Jifa, Jiangsu Guotai Guosheng, Jiangsu Lianfa Textile Co. Ltée, Luthai Textile Co. Ltd, Texhong Textile Group, Weiqiao Textile Co. Ltée) et les 27 usines citées dans le rapport de l’ASPI à l’appui ne sont pas des entités faisant partie de la chaîne d’approvisionnement active et déclarée par Walmart Canada. Walmart Canada affirme également qu’aucune des usines énumérées dans la plainte n’est utilisée par des fournisseurs de Walmart Canada pour produire des marchandises pour Walmart Canada.
  7. Compte tenu des renseignements contenus dans le rapport de l’ASPI, qui établit un lien entre Walmart Canada et des usines qui, selon le rapport, ont recours au travail forcé des Ouïghours, il semble y avoir une contradiction dans les renseignements accessibles qui pourrait justifier l’ouverture d’une enquête. Certes, Walmart Canada souligne qu’elle a établi et mis en œuvre des politiques, des normes, des mesures de contrôle et des systèmes de surveillance des chaînes d’approvisionnement qui appuient son mandat organisationnel visant à interdire le recours au travail forcé dans l’ensemble de celles-ci. Cependant, la nature complexe des chaînes d’approvisionnement en vêtements peut justifier une enquête sur le lien entre Walmart Canada et le travail forcé des Ouïghours. L’enquête pourrait notamment permettre d’examiner la mesure dans laquelle Walmart Canada a pris des mesures concrètes, par exemple en procédant à des vérifications préalables fondées sur l’examen de documents, pour s’assurer hors de tout doute raisonnable qu’aucun travail forcé n’a lieu. En effet, lors de la réunion d’évaluation initiale du 6 février 2023, les représentants de Walmart Canada ont mis l’accent sur les processus de diligence raisonnable de Walmart Canada, déclarant que ceux-ci sont accessibles au public ; que Walmart Canada participe à de nombreux conseils et examens dans le monde entier ; et que Walmart Canada a un seuil d’intégrité élevé en ce qui concerne le travail forcé et qu’elle est à l’avant-garde dans son domaine, car elle s’est dotée de meilleurs systèmes de traçabilité, de meilleures lignes d’assistance téléphonique sur l’éthique et de meilleures équipes de traçabilité. Mais il faut plus de renseignements pour déterminer si la diligence raisonnable en matière de droits de la personne de Walmart Canada est conforme à la diligence raisonnable requise dans un contexte à haut risque comme celui du Xinjiang.
  8. Si l’OCRE décide de mener une enquête, Walmart Canada aura la possibilité d’y participer et de fournir des réponses, y compris des renseignements supplémentaires sur les mesures qu’elle a prises pour s’acquitter de son obligation de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
  9. Compte tenu du contexte plus large de la plainte et de la difficulté à obtenir des renseignements dans le pays, une recherche indépendante des faits pourrait être limitée. La disponibilité des renseignements devra être évaluée au fur et à mesure du déroulement de l’enquête et elle sera prise en compte dans tout rapport final.
  10. La plainte ne nomme pas de particuliers et ne les rend pas identifiables, ce qui réduit la possibilité qu’une enquête augmente le risque pour ces derniers. Si l’OCRE décide de mener une enquête, une évaluation des risques sera effectuée tout au long de l’enquête.

Partie 4 — Participation au processus de plainte

  1. Comme il a été indiqué plus tôt, Walmart Canada a fourni une réponse initiale à la plainte et a participé à une réunion d’évaluation initiale tenue le 6 février 2023. Le 19 mai 2023, Walmart Canada a également fait part de sa décision de ne pas participer au processus de règlement des différends de l’OCRE, déclarant qu’elle rejette les allégations des plaignants.
  2. Selon les Procédures opérationnelles de l’OCRE, une participation active et pleine et entière au processus de plainte est un signe de bonne foi :

    Conformément à l’article 11.1 : Les parties à l’examen d’une plainte et les personnes visées par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman sont censées y participer pleinement, notamment en fournissant à l’ombudsman les renseignements et les documents pertinents, en mettant les témoins à disposition dans un délai raisonnable, selon les délais établis par l’ombudsman.

    Conformément à l’article 11.2 : Si une entreprise canadienne ne participe pas activement à un examen et, entre autres, refuse de fournir des renseignements et des documents pertinents, l’ombudsman pourrait tirer les conclusions négatives ou défavorables qui conviennent durant la recherche des faits.

    Conformément à l’article 12.4 : L’ombudsman peut déterminer qu’une partie à l’examen d’une plainte ou une personne visée par un examen mené à l’initiative de l’ombudsman qui ne participe pas activement à l’examen […] sans explication raisonnable, n’agit pas de bonne foi.

  3. Compte tenu de la participation limitée de Walmart Canada jusqu’à présent dans le processus, l’ombudsman peut examiner la question de la participation de bonne foi à une étape ultérieure. L’ombudsman peut exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 10 du Décret et recommander à la ministre la mise en œuvre de mesures commerciales, à savoir :
    1. le retrait de l’appui à la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (connu sous le nom d’Affaires mondiales Canada) ;
    2. le refus par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement d’appuyer à l’avenir la défense des intérêts commerciaux de l’entreprise canadienne ;
    3. le refus par Exportation et développement Canada de soutenir financièrement l’entreprise canadienne à l’avenir.

Partie 5 — Observations présentées par les parties

Observations des plaignants

  1. Le 12 juin 2023, les plaignants ont fait part de leurs observations sur l’ébauche du rapport d’évaluation initiale. Les plaignants affirment que l’OCRE devrait procéder à un examen sur la base d’une recherche indépendante des faits. Pour étayer leur affirmation, les plaignants invoquent les facteurs énoncés au paragraphe 15.
  2. Tout d’abord, les plaignants affirment que la plainte n’est ni frivole ni vexatoire et que la « contradiction dans les renseignements accessibles » (paragraphe 24) justifie un examen. Les plaignants réitèrent la preuve présentée dans la plainte, notamment le rapport de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) et les recherches de Laura Murphy. De plus, les plaignants soutiennent qu’à part le simple fait que Walmart Canada nie toute implication de sa part, aucune de ses déclarations ne réfute de manière convaincante toute possibilité de recours au travail forcé par Walmart Canada. Comme l’ont souligné les plaignants, les affirmations de Walmart Canada niant toute implication de sa part dans le recours au travail forcé sont directement contredites par les données recueillies par l’ASPI et Laura Murphy.
  3. Deuxièmement, les plaignants font remarquer que la plainte n’est pas examinée par une autre instance et qu’elle ne l’a pas été dans le passé.
  4. Troisièmement, les plaignants affirment que Walmart Canada n’a pas fourni de réponse ou de réparation satisfaisante à l’égard des allégations formulées dans la plainte. Ils font remarquer que Walmart Canada a communiqué sa décision le 19 mai 2023 de ne pas participer au processus de règlement des différends de l’OCRE. Ils ajoutent que Walmart Canada n’a pas répondu à leur lettre de novembre 2021. Les plaignants affirment également que l’OCRE ne devrait pas accepter les tentatives de Walmart Canada de nier sa responsabilité, d’autant plus que Walmart Canada a fait preuve d’un manque de bonne foi en refusant de participer au processus de règlement des différends de l’OCRE.
  5. Quatrièmement, les plaignants affirment que des renseignements pertinents sont susceptibles d’être accessibles au public, notamment par l’intermédiaire de l’Australian Strategic Policy Institute et de Laura Murphy. Ils font remarquer que même si Walmart Canada ne coopère pas, des renseignements pertinents considérables sont publiquement accessibles.
  6. Cinquièmement, les plaignants font remarquer qu’il existe des recours efficaces puisque l’ombudsman peut recommander à la ministre du Commerce international de prendre des mesures commerciales, y compris le refus ou le retrait de l’aide existante à la défense des intérêts commerciaux ou le refus de fournir à l’entreprise de l’aide à la défense des intérêts commerciaux et du soutien financier à l’avenir.
  7. Enfin, les plaignants notent que la réalisation d’un examen n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants ou d’autres personnes.

Observations de Walmart Canada

  1. Le 8 juin 2023, Walmart Canada a envoyé un courriel à l’OCRE indiquant qu’elle n’avait pas d’autres observations à faire et que sa décision de ne pas fournir d’autres réponses ne constitue pas une approbation de l’ébauche du rapport d’évaluation initiale ou de ses conclusions.

Partie 6 — Décision de l’OCRE

  1. L’accord des deux parties est indispensable pour procéder à une médiation ou à une enquête fondée sur la recherche conjointe des faits. Alors que les plaignants ont indiqué au départ qu’ils étaient disposés à envisager tous les modes de règlement des différends, Walmart Canada a refusé de participer plus avant au processus de règlement des différends de l’OCRE, y compris à la médiation. Par conséquent, il semble que la médiation ne soit pas une option viable à l’heure actuelle.
  2. Afin de répondre aux allégations soulevées dans la plainte, l’ombudsman a décidé de lancer une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits. Pour prendre sa décision, l’ombudsman a tenu compte des facteurs mentionnés au paragraphe 15 du présent rapport :
    1. À première vue, la plainte soulève des allégations sérieuses concernant une éventuelle atteinte à un droit de la personne reconnu internationalement, à savoir le droit d’être à l’abri du travail forcé. Le fait de fermer le dossier avant de mener une enquête empêcherait l’ombudsman d’envisager tous les moyens à sa disposition pour remplir son mandat consistant à promouvoir le respect des droits de la personne et à prévenir les atteintes à ces droits.
    2. La plainte n’est pas en instance d’examen et n’a pas été examinée dans une autre instance.
    3. Walmart Canada a fourni des renseignements sur ses politiques et mesures de contrôle visant à prévenir les atteintes aux droits de la personne dans ses chaînes d’approvisionnement, notamment ses normes s’appliquant aux fournisseurs et sa politique de déclaration, qui lui permet d’exercer une surveillance à l’égard de ses fournisseurs et des usines pour s’assurer qu’il n’y a pas de recours au travail forcé dans ses chaînes d’
    4. Toutefois, si Walmart Canada a rejeté de manière générale les allégations contenues dans la plainte, elle n’a pas fourni de réponse précise. Il y a une contradiction dans les renseignements accessibles qui justifie une enquête de portée limitée. Plus précisément, la dénégation de Walmart Canada est contredite par le rapport de l’ASPI et le rapport Murphy qui ont pour objet d’identifier les fabricants liés au recours au travail forcé, dont certains feraient partie de la chaîne d’approvisionnement de Walmart Canada.
    5. Bien que la disponibilité des renseignements pertinents puisse être limitée, l’ombudsman peut demander l’aide d’experts pour effectuer des recherches et analyser les données accessibles au public. Dans son rapport d’enquête, l’ombudsman peut faire des observations sur la manière dont la disponibilité des renseignements influe sur la capacité à tirer des conclusions.
    6. La participation de Walmart au processus de plainte (y compris à la mise en œuvre des recommandations formulées par l’ombudsman, le cas échéant) peut influer sur la mesure dans laquelle il sera possible de parvenir à une réparation efficace. Ce point devra être évalué à la fin de l’enquête.
    7. Une enquête n’est pas susceptible d’entraîner un risque inacceptable pour les plaignants et d’autres personnes, étant donné qu’aucune personne n’est nommée.
    8. Malgré sa décision actuelle de ne pas participer au processus de plainte, Walmart Canada aura toujours la possibilité de fournir d’autres renseignements pertinents au cours de l’enquête, notamment en ce qui concerne les résultats des audits des usines de ses fournisseurs. Comme l’indique Walmart Canada, l’entreprise exige de ses fournisseurs qu’ils fassent vérifier leurs usines dans le cadre de programmes d’audit indépendants, reconnus à l’échelle internationale et réalisés par des auditeurs indépendants qualifiés.
  3. Même si l’OCRE procédera à une enquête sur la base d’une recherche indépendante des faits, une médiation est possible à n’importe quelle étape du processus de plainte, à la discrétion de l’ombudsman et avec l’accord des parties.

Annexe-1

Les plaignants : une coalition de 28 organisations

  1. Canadians in Support of Refugees in Dire Need (CSRDN)
  2. Alliance Canada Hong Kong
  3. Anatolia Islamic Centre
  4. Canada Tibet Committee
  5. Canadians Against Oppression & Persecution
  6. Canadian Council of Muslim Women (CCMW)
  7. Canadian Council of Imams (CCI)
  8. Canada-Hong Kong Link
  9. Doctors for Humanity
  10. East Turkistan Association of Canada
  11. End Transplant Abuse in China (ETAC)
  12. Human Rights Research and Education Centre, University of Ottawa
  13. Human Concern International (HCI)
  14. Islamic Circle of North America Canada (ICNA)
  15. Islamic Society of North America (ISNA)
  16. Justice for All
  17. Lawyers for Humanity
  18. Muslim Association Canada (MAC)
  19. National Council of Canadian Muslims (NCCM)
  20. Raoul Wallenberg Centre for Human Rights
  21. Canadian Security Research Group
  22. Share 2 Care (S2C)
  23. Stop Uyghur Genocide Canada
  24. Toronto Association for Democracy in China
  25. Union of Medical care and Relief Organizations-Canada (UOSSM)
  26. Uyghur Refugee Relief Fund
  27. Uyghur Rights Advocacy Project
  28. Vancouver Society in Support of Democratic Movement
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